nicolasgoulette@yahoo.com

vendredi 30 décembre 2011

Aglaya Muravlov

Aglaya Muravlov expose à Flateurville une installation, "Womanhood 2 – La Vie", deuxième volet de son travail sur la féminité. Aglaya Muravlov est une cinéaste russe. Elle montre ici une œuvre étrangement belle, qui inspire la réflexion.

Quatre vidéos sont projetées sur les murs. Il y a en plus deux écrans à l'entrée. Ils reprennent, pour l'un d'eux, l'une des vidéos projetée. Nous entendons des sons mixés par l'artiste. Sur la vidéo "La Baleine", projetée sur un mur, une main levée, à gauche, semble saluer une baleine vue au loin. La baleine blanche évolue dans l'eau verte. Ce vert remplit presque entièrement l'image.

"Piano" est un autre film projeté. Dans une pièce blanche, il y a un piano. Nous voyons les pieds d'une personne qui marche. Il y a une femme, étendue sur le ventre ou accroupie. La caméra tourne autour du piano, jouant à capter son ombre et sa surface sombre, de telle sorte que, par moment, l'image est presque en noir et blanc. Un noir profond, et un blanc éclatant.

Sur une autre vidéo, nous voyons de l'eau, la surface d'un fleuve dont les ondulations grises et noires sont comme les mouvements de cheveux. Une quatrième vidéo montre la vision qu'on a dans la cabine d'un conducteur de métro, les rails défilant devant nous.

C’est une œuvre dans laquelle il est difficile d'entrer, ou qui entre difficilement en nous. Il est presque impossible d'embrasser d'un seul regard l'ensemble de l'installation, nous devons nous déplacer pour en apprécier l'étendue, rester longtemps devant chaque film pour en voir les subtilités.

Ajoutons que le lieu d'exposition, Flateurville, est un lieu de passage, un lieu de détente. Les tableaux accrochés aux murs nous gênent dans la compréhension du travail d'Aglaya Muravlov. Il nous faut faire un effort d'abstraction des objets, des fauteuils, de la voiture qui se trouvent là pour apprécier les œuvres. Il est vrai que nous ne sommes pas dans ces espaces aseptisés des musées et galeries qui font tout pour que l'œuvre exposée soit bien visible, bien délimitée, trop délimitée parfois, trop contrainte.

Aglaya Muravlov a bien voulu répondre à nos questions. Nous l’en remercions.


Quelles sont les origines de vos travaux ici à
Flateurville ?


Ce sont des choses qui parlent de la féminité. Mais ce n'est pas féministe. C'est vraiment un sujet qui n'est pas assez exploré. Si on le fait tout le temps, cela peut être bien, parce qu'il y a beaucoup d'aspects. Par exemple, « motherhood » (être mère), ce n'est pas uniquement les jolies femmes de Rembrandt. Il y a beaucoup de souffrances, beaucoup de peurs, beaucoup de fatigue. Elles sont des êtres fragiles, et pour cela fortes. Si on se donne le droit d'être faible, on pleure, mais après on se lève et on est plus fort. Si on est fort tout le temps, on se casse et on meurt. Les femmes peuvent être plus fortes que les hommes, parce que les hommes pensent qu'il faut être fort tout le temps.


Quels artistes classiques vous plaisent ou vous
inspirent ?


Rembrandt, Leonard de Vinci, Vivaldi, Bach. Bach, c'est la raison pour laquelle je suis venu à Paris, parce que l'architecture, c'est le moment arrêté de la musique. Quand j'entends Bach, je vois des couleurs. C'est vraiment mon petit métronome intérieur. Les harmonies de Bach ne sont pas nombreuses, mais sont très organisées. C'est bien.


Vernissage le 15 décembre 2011
Flateurville
24, cour des Petites Ecuries
75010 Paris
www.flateurblog.com

mardi 20 décembre 2011

Cristina Iglesias

Cristina Iglesias expose à la galerie parisienne Marian Goodman jusqu'au 23 décembre 2011. Elle propose "Vers la terre", une sculpture en granit, bronze et inox. Au milieu de la grande salle de la galerie trône une structure cubique. Nous entendons de l'eau qui coule. En nous approchant, nous voyons que le cube de granit est creux avec, à l'intérieur, une sorte de paysage de pierres et de racines sculptées. De l'eau s'écoule sur cette surface métallique. Un trou plus profond s'enfonce dans le centre de la structure. L'eau s'y engouffre comme dans une grotte.

Au sous-sol de la galerie, trois sculptures intitulées "Pozos" (puits) sont présentées. Nous retrouvons trois blocs de granit dans lesquels se trouvent des sculptures évoquant des racines, des feuilles séchées, le sol d'une forêt vierge. Là encore, de l'eau s'y écoule. Nous croyons être au ras du sol d'une jungle, à ceci près que les œuvres de Cristina Iglesias sont minérales. Nulle trace de vie n'est présente. Ce sont des racines, morceaux de bois, sols pierreux figés sculptés dans le bronze et l'inox. L'eau qui y coule est une eau sans vie, comme dans ces grottes sans lumière. Ces sculptures évoqueraient-elles la surface de la Terre quand le soleil aura cessé de briller ?

Ces quatre blocs de granit sont des "Black Cubes" qui prennent bien leur place dans les deux "White Cubes" de la galerie Marian Goodman. Les White Cubes sont ces salles d'exposition blanches et immaculées des galeries et musées. Ces cubes noirs sont eux-mêmes comme des écrins pour exposer des œuvres du passé. Dans un imaginaire musée futuriste, cela sera peut-être ainsi que la surface de la Terre sera présentée. Une surface sans vie, sans folie, sans art pourrait-on dire. Ces Black Cubes disent bien ce que sont les White Cubes : des univers chics, luxueux et froids.


Exposition jusqu'au 23 décembre 2011

Galerie Marian Goodman
79, rue du Temple
75003 Paris

mardi 13 décembre 2011

Mickaël Doucet

"Le Ventre de la Baleine", situé à Pantin en Seine-Saint-Denis, est un ancien bâtiment industriel occupé depuis plus de 15 ans par des ateliers d'artistes. C'est maintenant un lieu alternatif hébergeant une trentaine de plasticiens et musiciens. Nous y rencontrons le peintre Mickaël Doucet, dont les tableaux posent des énigmes sur la place de l'homme dans son environnement.

Mickaël Doucet joue des contrastes dans ses œuvres. Contrastes des techniques tout d'abord. Sur une même toile, il peut utiliser l'huile et l'acrylique, les encres, et d'autres matériaux comme la rouille, etc ... Contrastes de couleurs ensuite, chaudes et froides. Contrastes de traitements de la peinture : aplats unis, touches expressionnistes, coulures, encres plus ou moins diluées. Le blanc de la toile qui semble apparaître en certains endroits ajoute encore un contraste entre parties plus ou moins peintes. Ses tableaux allient, comme le dit l'artiste, le "fond, le sens et la forme".

Dans "Agra - Taj Mahal" (technique mixte sur toile, 2009), nous voyons le Taj Mahal peint en voiles dilués gris sur fond blanc. Un gros dirigeable couleur rouille semble se rapprocher du monument. C'est un tableau presque abstrait et minimaliste, avec un gros ovale rouge chaud, dans un environnement froid. L'artiste explique : "Ce tableau est représentatif de ma manière de travailler. J'écoute les infos, et j’entends un débat sur la montée des eaux, le changement climatique. Et quelqu'un a dit que peut être en 2100, il y aura une telle montée des eaux qu'il y aura des villes sous l'eau. Donc j'ai imaginé le côté Atlantide. Cela m'intéressait beaucoup quand j'étais plus jeune, le mythe de l'Atlantide et du royaume de Mu. Ces civilisations que la nature a entièrement recouvert et qui ont disparu. J'aime bien cette dualité de l'homme qui raisonne et qui peut se servir de son intelligence pour penser et devenir quelqu'un de grand, et en même temps qui peut se faire rattraper par la nature et être complètement éradiqué par sa bêtise parce qu'il a été trop loin."

Avec "On ne peux pas comprendre ce qu'on a pas vécu" (technique mixte sur toile, 2010), nous sommes devant un tableau énigmatique. Nous voyons une pièce qui ressemble à une cave, voûtée, avec une grande fenêtre et des barreaux, débouchant sur un blanc lumineux. Il y a une plus petite fenêtre sur la droite, sur le rebord de laquelle est assis un singe. Les murs de la pièce sont gris, coulants. Il y a des carrelages jaunes. Sur le sol se trouvent une boite rouge et une chaise traitées en aplats, un tas de débris informes, d’un gris coloré, peint en grosse touche. Nous y voyons une oeuvre surréaliste, où le singe nous interroge sur notre place. Il n'y a personne dans la pièce, pourtant quelqu'un a bien ouvert cette boite et utilisé cette chaise qui sont d'une réalité certaine (le traitement en aplat épais rend l'objet sûr et certain). Le tas d'immondices au milieu est plus pictural, moins réel. Le mur est fait de coulures qui pourraient passer pour fortuites. Quant au blanc à l'extérieur de la pièce, il ne s'apparente qu'au blanc de la toile. Est-on sur de la présence humaine ? Quand on voyage dans le tableau, cette présence devient de plus en plus douteuse. Même la peinture tend à s'effacer.

L'artiste nous parle de ce tableau : "J'ai un copain musicien qui a écris une chanson dans laquelle il y a cette phrase, "On ne peux pas comprendre ce qu'on a pas vécu". Je trouve cette phrase très intéressante. C'est par rapport à l'expérience. Si tu a vécu quelque chose, tu pourras facilement en parler. J'ai trouvé dans "Telerama" une photo d'une vielle abbaye abandonnée, très belle, et cela m'a rappelé un truc d'enfance. A côté de chez moi, à Vendôme dans le Loir-et-Cher, il y avait une vielle abbaye. Un clochard vivait là. C'était dans les bois, on passait devant étant gosse, et ce clochard nous faisait peur. Je me suis rappelé ce coté sordide.
Il y a le tas d'immondices, et puis la chaise et la valise. La valise pourrait rappeler ce clochard avec le fil où il pouvait mettre ses affaires. Pour ce qui est du petit singe, je voulais un élément organique, accentuer l'aspect de solitude, avec le regard du singe. Je voulais également exprimer la nature qui reprend ses droits, avec des singes qui passent. J'aime bien les singes, parce que je suis allé au Laos et au Cambodge. A Angkor au Cambodge, je me promenais en vélo, et il y avait des singes au bord de la route. Ce sont des images que j'aime bien intégrer."

Avec « Inlandsis » (technique mixte sur toile, 2011), nous sommes dans un paysage glacé avec un ours blanc sur la neige. Une maison chaude, rouge et orange, réchauffe l'atmosphère. De forts contrastes se dégagent de ce tableau. Une longue partie noire contraste avec le paysage blanc, la maison est traitée en aplat alors que le paysage est en voiles dilués, les couleurs chaudes contrastent ave les tons blancs froids.

L'artiste explique sa démarche : "Le tableau pose le problème de l'humanité qui s'agglomère de plus en plus dans les villes. Beaucoup de gens commencent à avoir envie de grands espaces, de partir, de s'installer ailleurs. La nature, on se l'approprie de plus en plus et finalement on s'étend, on prend de plus en plus les espaces et on laisse moins d'espace libre naturel. On recule tellement, et on a tellement besoin de pouvoir trouver de nouveaux espaces pour s'installer qu’on en viendra peut-être un jour à s'installer près de la banquise. On aura peut-être une maison contemporaine, avec un ours blanc qui passe à côté, parce qu'il n'y aura plus de place."

"Sans titre" (technique mixte sur toile, 2010) fait partie d’une série sur laquelle travaille toujours Mickaël Doucet. Sur un fond gris uniforme, nous voyons un singe noir derrière deux fauteuils ronds orange. Un brin d'ADN se trouve dans la main du singe. Ce brin d'ADN passe entre les sièges. La seule présence est celle du singe. Où est l'homme ? Dans le brin d'ADN ? Il s’agit encore d’une œuvre énigmatique.

"On est aussi dans cette trinité fond, sens, forme", explique l'artiste. "Le sens, c'est évidemment le chimpanzé qui tient le modèle moléculaire d'ADN. Les chimpanzés sont à 99,5% proches de nous, donc on pourrait faire le rapprochement entre l'humanité et les singes. Ce sont toujours les mêmes idées, la dualité de l'homme. Les Ball Chair représentent les objets manufacturés par l'homme. Ce sont de très belles choses, des années 1970, qui reviennent à l'heure actuelle. Il y aussi le cote très futile de notre société, le coté très brillant. Avec le chimpanzé qui est dans cette pièce, il y a un coté animal de laboratoire qu'on utilise, c'est pour cela que je parle de l'éthique et l'esthétique."

Dans les sujets de ses toiles, Mickaël Doucet met une tension entre les éléments, une architecture sophistiquée dans une nature vierge par exemple. Ou des animaux dans un environnement humain.

On retrouve toujours un questionnement, une interrogation dans le travail de Mickaël Doucet. Où est l'homme, où est l'humain ? C'est une énigme qu'il nous pose. A nous de la résoudre.
Il y a un autre questionnement dans ses toiles qui alternent les aplats de peinture et les encres diluées. Où est le peintre, quel est l'avenir de la peinture ? Certains tableaux laissent apparaître le blanc de la toile comme si le peintre n'était plus là.

Avec Mickaël Doucet, la peinture a de l'avenir, dans notre monde dominé par les écrans. Le plaisir de travailler les bons matériaux, d'utiliser la bonne technique est toujours là.



Site web : www.mickaeldoucet.com

L'artiste est représenté par la galerie parisienne Cecile Charron : www.galeriececilecharron.com

Le Ventre de la Baleine, ateliers d’artistes à Pantin (93) : www.labaleine.org



Agra - Taj Mahal



On ne peux pas comprendre ce qu'on a pas vécu




Inlandsis

vendredi 9 décembre 2011

Ingrid Luche

Ingrid Luche expose actuellement ses œuvres à la galerie "Air de Paris", située rue Louise Weiss dans le 13ème arrondissement parisien. L'exposition rassemble des tuniques, dessins et sculptures.

"Ghost Dress : le Rêve de la Halle Bibliothèque" est une tunique blanche portant des images de papillons et de meubles, des bibliothèques. Cette tunique est comme un objet de musée. Elle semble avoir été portée dans le passé, à une autre époque, en un autre lieu. Et elle est ici, actuellement, dans cet espace d'exposition. Nous ressentons une dualité des intentions (l'intention du porteur de la robe, et l'intention du spectateur actuel), une dualité des époques, des lieux, à l'instar des objets de musées, et notamment des arts premiers.

"Blue Moon, bleu de travail" est un vêtement en jean accroché au mur blanc de la galerie. Des petits carrés de tissus, semblables à des post-it, sont collés dessus. Sur ces pense-bêtes sont écrites des notes, comme des futurs projets : "Maquette", "Cartes Plans", "Photos". Ce vêtement semble être l'habit de travail de l'artiste, l'habit qu'elle porte quand elle créé des œuvres. Il s'agirait alors d'une sorte d'autoportrait.

"Projection + eau + percée + envers" est un dessin sur papier. Le titre nous éclaire sur le sujet : une vue en perspective de quatre piliers (la projection), un plafond bleu (l'eau), un trou dans le plafond d'où sort une colonne bleue verticale (percée), la colonne verticale semble descendre du plafond (envers). C'est une œuvre surréaliste, étrange, avec laquelle nous perdons nos repères.

"Monsieur Pigman" est une sculpture représentant une tête, un buste et deux bras. Le personnage, avec ses longues oreilles et son groin, a une tête de cochon. La sculpture est noire, mais porte des taches colorées bleues, oranges, jaunes, blanches. Nous croyons voir un animal de foire, exposé dans cette salle de la galerie.



Ingrid Luche a bien voulu répondre à nos questions. Nous l'en remercions.

Je trouve que votre travail évoque l'absence de l'humain dans les objets d'exposition, dans les objets placés dans les musées. Est-ce que cela a été votre intention ? Quelles ont été vos intentions avec ces œuvres ?

C'est vrai que la présence physique en tant que telle est absente. En revanche, les objets évoquent une présence, que ce soit avec la présentation des robes, ou dans l'espace qu'occupe "Monsieur Pigman". On imagine autrement avec un costume, un objet rituel comme le témoignage d'une activité (humaine ?).


Quel artistes classiques vous plaisent ou vous inspirent ?

Il y en a trop. Si je voulais parler des robes, je pourrais parler d'une référence au manteau d'Etienne Martin, qui est une forme de restitution du plan de sa maison d'enfance. C'est le souvenir d'un espace qui a disparu. Les différents éléments peuvent se recombiner, les éléments textiles, des corps, des matériaux. Quand on voit l'objet, on est loin de se douter de ce que c'est.



Ingrid Luche
Exposition jusqu'au 21 janvier 2012
Galerie Air de Paris
32, rue Louise Weiss
75013 Paris
www.airdeparis.com

mardi 6 décembre 2011

Linda McCluskey

Suite de notre visite au 59 Rivoli : nous faisons la rencontre de Linda McCluskey, artiste peintre. Ses tableaux sont des vues de bâtiments parisiens, qui ondulent, dansent, sont mouvants. Les immeubles sont parfois allongés, grands, gros, maigres. Leurs traits, contrairement à ce que nous en savons, ne sont pas droits, mais courbés, sinueux, expansifs ou timides. Les bâtiments haussmanniens se révèlent ainsi à nous dans une nature qui leur est propre, que nous n'avions jamais soupçonné. Merci à Linda McCluskey de nous ouvrir les yeux sur une ville que nous croyions connaître.

L'Institut de France, vu du pont des Arts, n'est pas rigide et droit, le saviez-vous ? Linda nous révèle que le dôme a la grosse tête, que les bâtiments s'écrasent, que les lampadaires du pont font la java. Vu de sa fenêtre, vous pensez que les cheminées sont verticales, que les toits sont simples et mornes ? Détrompez-vous. Ils se font une joie de se courber devant notre vue pour qu'elle se fraie un passage royal, drolatique et poétique sur Paris, la ville, la vie.
Paris bouge, vibre, change chez Linda McCluskey. Paris est un chewing-gum, Paris se montre. Arriverons-nous à naviguer dans cette ville, enfin débarrassée de sa rigidité, mais où les murs sont comme des vagues sur lesquelles nous devons maintenant surfer ? Nous allons apprendre.


www.lindamccluskey.com

Le travail de Linda McCluskey est visible au 59 Rivoli
59, rue de Rivoli
75001 Paris
59rivoli.org

mardi 29 novembre 2011

Zetta

Zetta expose ses sculptures en terre à la mairie de Saint-Ouen l'Aumône. Ces œuvres mettent à l'honneur l'Afrique et la féminité, thèmes auxquels est attaché cette artiste originaire d'Haïti.

"Annette Piebateau" est une grosse maman qui nous regarde, nous reprochant d'avoir fait une bêtise. C'est une terre cuite, chaude, parfumée, colorée aux piments des îles. Elle a une tête malmenée, de gros yeux et un nez aplatis, une petite bouche, un long cou, des pieds grossièrement ébauchés. C'est une sculpture petite, mais généreuse, une référence aux arts africains.

"Antoinette" est une femme sur la pointe des pieds, qui se donne à nous, nue, yeux fermés, bras étendus le long du corps. Elle paraît allongée bien que debout. Elle est dans un état fragile comme si elle dormait devant nous. Elle est passive, semblant nous attendre. C'est une plongeuse endormie, elle plonge dans les rêves, dans les mythes des origines de l'humanité.

"Féminine" représente quatre bustes de femmes côtes à côtes, collées, mettant en commun leurs épaules, leurs chevelures, leurs corps. Elles ont la peau marron, les cheveux noirs. Elles sont drôles et souriantes. L'une d'entre elle n'a pas de nez ni de bouche, une autre n'a pas d'yeux. Elles sont les génies de l'humanité, sa source et son avenir. Ce ne sont pas les Trois Grâces, mais les quatre grâces, symboles d'une multitude de grâces. Des grâces tournées vers tous les côtés, signifiant qu'elles se trouvent partout, qu'elles ne sauraient être réduites à cette sculpture posée sur son socle.

"Cavalière brune" est une femme en large robe chevauchant un groupe de quatre personnages. L'un deux lève sa grande main comme pour témoigner qu'il est là. Elle a une tête fine et les traits délicats, contrairement aux hommes dont les têtes sont grossièrement faites, avec des cheveux et des barbes hirsutes. Elle se tient debout, droite, les pieds fermement appuyés que le sol, la main caressant une des têtes. Cette cavalière domine fièrement ses quatre enfants, ou des quatre maris, ou sa tribu, ses concitoyens, son humanité.


Zetta
Exposition jusqu'au 16 décembre 2011
Hôtel de Ville
2, place Pierre Mendès-France
95310 Saint-Ouen l'Aumône

Vidéo de l'exposition : http://youtu.be/VgKzecKUrBM

lundi 21 novembre 2011

Maïtena Barret

Parmi les nombreux artistes qui travaillent et exposent au 59 Rivoli, nous pouvons faire la rencontre de Maïtena Barret. Elle réalise des peintures sur papier kraft, fraîches et sympathiques. Ce sont de grands dessins, des portraits, des personnages en pied, des animaux, chiens et poissons notamment. Les portraits sont vivants avec leurs mines variées, souriants ou fatigués, furieux ou interrogateurs. Parfois, les quadrillages numérotés restent apparents sur le fond des papiers kraft. Toutes ces œuvres sont peintes en touches expressives et colorées.

Les travaux de Maïtena Barret sont de drôles de tranches de vie. On adore les gros traits blancs qui illuminent les papiers et la pièce où ils sont exposés.

www.maitenabarret.com

59, rue de Rivoli
75001 Paris
www.59rivoli.org

lundi 14 novembre 2011

Laurent Godard

Connaissez-vous Flateurville ? Dans le dixième arrondissement de Paris, un ancien atelier de confection textile a été reconverti par Laurent Godard. C'est maintenant un capharnaüm underground, magnifié par le travail pictural de ce peintre.

Ce lieu a une histoire. Pas une histoire au sens d'un passé, mais on y raconte une histoire. A Flateurville, bourgade délabrée et squattée, Marcel fait du trafic de fleur bleue, dont la consommation est très réglementée. Après un séjour en prison, Marcel devient gardien de la piscine de Flateurville, aussi délabrée et taguée que le village. Voilà pour l'histoire.

Flateurville est surtout le lieu d'exposition des grandes toiles de Laurent Godard, peintre, et également conteur d'histoires. Nous voyons des portraits avec des coulures, aux traits lâchés et déliés. Certains sont réalisés en traits noirs sur fond blanc. D'autres, dans la grande tradition du clair-obscur, représentent des grandes têtes éclairées, se détachant d'un fond sombre. Ces toiles sont douces, agréables et sympathiques. C'est une galerie de personnages, imposants par leurs tailles, qui nous regardent de leurs grands yeux bienveillants, étonnés de nous voir étonnés par ce lieu. Nous y voyons bien entendu des autoportraits.

Ce lieu est enchanté. Les soirs de vernissages, quand la nuit tombe et que la musique commence à s'entendre, assis dans les fauteuils, on perd ses repères. Dans chacune des salles, les puissantes toiles sont comme des trésors qui nous accompagnent. L'art, on ne peut plus vivant, nous a inoculé son venin.


Trois questions à Laurent Godard :


Quels artistes classiques te plaisent ou t'inspirent ?

Chaïm Soutine, Egon Schiele, Oskar Kokoschka, John Cassavetes, Tim Burton.


Est-ce que tu exposes dans des galeries, dans des lieux officiels ?

Un peu, mais pas beaucoup. Je suis un peu marginal, hors système. Je contourne le système pour mieux rentrer dedans. Je prépare la révolution, la révolution humaine.


Qu'as-tu l'intention de faire en peinture dans le futur ?

Des tapis, des portraits sur tapis.



Flateurville
24 cours des petites écuries
75010 Paris

http://www.flateurblog.com/

mardi 8 novembre 2011

Albert Albert

La galerie Cécile Charron expose les travaux d'Albert Albert, plasticien. L'artiste définit ses œuvres comme des "pheintures", à mi-chemin entre des photographies et des peintures. Il réalise en effet des compositions à partir de différents matériaux, qui, éclairés et photographiés de façon particulière, donnent naissance à des digigraphies sur papier, tirées en séries limitées.

Sur l'une des œuvres, de la série "La petite famille", un personnage est représenté. Nous voyons un maillot de corps gris, troué en son centre. Dans ce trou trône une sorte de haricot d'un marron chaud. La tête du personnage est figurée par une pipe pour le nez, des trames noires pour les yeux et la moustache, de la maille de fer pour les cheveux. L'ensemble est drôle et ironique. L'artiste joue avec les objets pour, en quelques manipulations, créer un monsieur aux cheveux hirsutes, moustachu, qui sent la pipe, et dont le maillot troué laisse voir ce que l'on croirait être son cœur.

Dans l'œuvre titrée "11 septembre - 1" se trouve un oiseau sur une branche verte, devant un paysage d'immeubles. Le haut du ciel est rouge, orageux semble-t-il avec des stries blanches. De la fumée s'échappe d'une cheminée ; un avion vole vers les tours. Dans l'angle supérieur gauche, une sorte d’œil, ou un soleil, regarde ou éclaire le paysage. Nous croyons voir dans ce tableau une scène dramatique. L'oiseau semble inquiet. La ville, tout d'abord, a une couleur laiteuse comme si elle était vue dans un brouillard menaçant l'environnement. Le ciel est menaçant. Quel est cet œil qui regarde le paysage ? Enfin, l'avion rouge vif s'approche trop près des immeubles d'un gris délicat.

Un troisième tableau évoque la guerre d'Espagne, avec du sang séché, un pistolet, des cartouches d'armes, de la poudre grise comme du ciment, un document d'identité espagnol, et les mots "Front", "facho", une phrase sur Franco. Nous voyons du rouge lumineux, du blanc qui transparaît entre les craquelures du sang, du gris dans les photos d'identité et le ciment, du noir sur le revolver. L'œuvre exprime la dureté des armes et les effusions de sang.

Le travail d'Albert Albert peut se voir sur plusieurs plans, avec plusieurs niveaux d'appréhensions. Il y a l'utilisation d'objets et de formes découpées par l'artiste, les agencements de poudres et de liquides, éclairés par dessous ou dessus. Puis vient la prise de vue, et le tirage sur papier. Ses "pheintures" sont bien le mélange de plusieurs concepts.



Trois questions à Albert Albert :

Quels artistes classiques vous plaisent ou vous inspirent ?

Il y en a beaucoup, la liste pourrait être très longue. Dali, Miro, je suis aussi très dadaïste. Il y a plein de choses, plein d'artistes. C'est vrai que je pioche un petit peu au niveau de ma source d'inspiration, mais après je créé des choses sans inspiration précise de quelqu'un.


J'ai vu qu'il y avait des lettres, des coupures de journaux. Qu'est ce que les lettres ou les mots apportent de plus à vos œuvres ?

Pour moi, c'est un message que j'ai envie de faire passer sur l'œuvre. Je trouve aussi qu'au niveau graphique, c'est intéressant. C'est une technique qui est vue et revue, certes, mais que je me suis approprié à ma sauce. Il y a certaines de ces écritures et de ces coupures de journaux qui sont mélangées avec la matière du tableau, donc ce n'est pas uniquement un collage. Déjà, ce n'est pas un collage, mais c'est quelque chose qui fait partie, qui vient se mélanger complètement avec l'œuvre.


Dans l'avenir, quelle direction artistique souhaitez-vous continuer à explorer ?

Continuer ce travail sur les matières, continuer à peindre avec des matières qui ne sont pas faites pour. Continuer à "pheinter", plus exactement. Continuer à m'amuser. Je travaille parfois à partir d'une thématique, parfois non. Je me fais alors guider par la matière et par l'émotion. L'émotion est toujours là, mais il y a des fois où il y a une thématique, et des fois où cette thématique n'est pas là. C'est alors plus le produit, ou le moment qui me guide.





Albert Albert - "11 septembre - 1"



Albert Albert
Exposition jusqu'au 25 novembre 2011

Galerie Cécile Charron
9, rue Alasseur - Village Suisse - 75015 Paris
www.galeriececilecharron.com

mercredi 2 novembre 2011

Akiko Toriumi

Akiko Toriumi, artiste peintre née à Tokyo, réalise des œuvres brutes et primaires. Elle a exposé ses dessins, gravures, et peintures jusqu'en septembre 2011 à Pontoise, au musée Tavet. Les peintures sur toiles ont été réalisées au début des années 2000, les dessins sur papier sont plus récents.

En regardant cette exposition, on voit de l'art brut, de l'art abstrait avec des traces noires sur fond blanc, des collages de matières, de torchons, de chiffons sur la toile.

Nous avons des techniques mixtes sur toile, des techniques mixtes sur papier. Des formes chaudes, ocres, mal identifiées, avec parfois des éclaircies blanches. Ailleurs, des tons laiteux, verdâtres, avec toujours une sorte de grand ovale noir, et une couleur claire au centre. Nous croyons voir des formes organiques.

Les peintures sur toile sont travaillées en matières, craquelées. Sur une grande toile, nous avons des traces blanches épaisses, sur des fonds noirs avec des consonances vertes. De fins traits noirs évoquent des branches d'arbres. Nous voyons un étrange ovale allongé, entouré d'un trait noir, avec un intérieur blanc, une sorte d'ouverture.

Les travaux sur papier semblent plus chauds. Ils ont un fond ocre rouge, avec toujours des grosses traces noires. Sur un des dessins, nous voyons des triangles avec dans l'un d'eux des coulures noires verticales. On pense à une architecture médiévale grossière, avec une trace blanche qui refroidit l'ensemble. Sans ces touches blanches, le tableau pourrait s'embraser.

Sur une autre œuvre sur papier, on retrouve de gros traits rouges, avec au centre une matière plus solide. Deux rectangles blancs sont entourés de noir. On trouve un point rouge sur l'un d'eux, et une masse moins précisée sur l'autre, un étalage d'ocre. Le point rouge fixe le tableau, lui donne une assise.

Dans un autre dessin, nous avons carrément un fond très sombre. Des tons marron très chauds, avec des traces claires qui évoquent un paysage blanchâtre vu dans le brouillard. Une sorte de paysage qui émerge d'une tempête.

Le travail de Akiko Toriumi exprime des chaleurs, des formes organiques brutes, où percent des lumières froides.

On pense aux traces préhistoriques de charbon noir et de terre rouge. Le travail semble grossier. Il évoque les quatre éléments : le feu (le noir), la terre (l'ocre), l'air et l'eau (le blanc). Il semble que ce sont des visions oniriques, hors de la modernité.

Si la beauté a sa place dans ces œuvres, c'est une beauté primaire.




Trois questions à Akiko Toriumi :


Quels artistes classiques vous plaisent ou vous inspirent ?

J'aime beaucoup Giotto. Parmi les modernes, j'aime beaucoup Lucio Fontana, qui a coupé les toiles. J'aime aussi beaucoup Cy Twombly.


Je trouve que vos toiles les plus anciennes sont dans les tons froids, plus froids que les dessins les plus récents.

Oui, avant, j'utilisais des couleurs bleues, du bleu très foncé. Je n'ai jamais été fanatique d'utiliser des couleurs très vives. Au fur et à mesure, j'ai enlevé des petites choses, pour voir ce que cela donne. Le résultat est que c'est devenu presque noir et blanc, presque monochrome. Mais quand on regarde, sur les gris, il y a quand même des nuances. Je fabrique des gris différents.


Pour l'avenir, qu'est ce que vous aurez envie de faire en peinture, en art ?

J'ai envie de travailler sur papiers, carrément sur un grand papier. J'en ai un peu marre de cadrer les choses. Pour une exposition, on est obligé d'encadrer. J'aimerais un petit peu sortir ailleurs, travailler sur un objet par exemple. Et explorer de nouveaux matériaux.

jeudi 27 octobre 2011

Eugène Delacroix

Eugène Delacroix est un peintre français, né en 1798, décédé en 1863, dans la lignée de la peinture classique. Ses peintures reprennent les sujets dramatiques qui font la force de la tradition. Dans ses scènes oniriques, orientalistes et symboliques, le héros est perdu dans ses pensées, au milieu du fracas des passions humaines.

Dans "Le Tasse dans l'hôpital Saint Anne", peinture de 1839, nous voyons un poète seul dans sa cellule, soumis aux railleries de trois personnages qui le regardent. C'est un clair obscur. Le poète est dans la lumière, alors que les murs de sa chambre sont dans l'ombre. L'éclairage vient d'en haut, d'au delà de la cellule, comme l'intelligence et le génie de l'artiste. Le poète est immobile, il pense, son esprit s'élève dans la colonne de lumière.

"La mort de Sardanapale", datée de 1828, représente une mêlée, un massacre en cours. Dans ce tumulte, un homme, Sardanapale, reste stoïque. Il médite comme si le présent n'était rien. C'est une vision orientaliste, une scène de tuerie collective dont l'horreur et l'érotisme très forts sont éloignés de nous dans le temps - l'antiquité babylonienne - et l'espace - la Mésopotamie. Comme souvent chez Delacroix, l'excitation, le tumulte ambiant sont relativisés par le personnage central qui regarde au loin, qui réfléchit en son for intérieur.

La "Liberté guidant le peuple" (1830), est une scène d'émeute dans Paris. Les insurgés s'avancent vers nous, qui sommes aux premières loges. La femme qui guide le peuple est un symbole. C'est une allégorie avec sa toge grecque. Les révolutionnaires sont en pleine action violente. Les figures sont expressives, hurlantes, fermées, passionnées ; les yeux exorbités, les bouches pincées. Nous voyons tout un système de dessin issu de la culture classique. Seul un homme, en habit noir et haut de forme, semble s'être arrêté un instant. Il regarde devant, en un point hors du tableau.

Dans ces tableaux, Delacroix place un personnage intellectuel au milieu de la violence physique, érotique, antique. Un personnage qui semble méditer, en regardant le spectateur actuel que nous sommes, comme pour penser à l'avenir. Comme pour dire au spectateur : "Ici, les passions humaines sont déchaînées. L'art classique est fondé sur la dramaturgie. A toi de t'exprimer maintenant".

mardi 18 octobre 2011

Christelle Ponnet

Dans le bar parisien "Le Bearn", on peut admirer une belle série de photographies. Des photos en noir et blanc, encadrées de noir, accrochés sur le grand miroir qui couvre tout un mur du bar. Ce sont des portraits de consommateurs. Des portraits urbains, sympathiques, vivants, frais et heureux. Une galerie de personnages, hommes et femmes, tous souriants. On est soi-même partie prenante de cette joyeuse foule, car on se voit dans le miroir, entre les photos.

Sur l'une d'elle, un gars au tee-shirt marqué "Jumbo", cheveux noirs, bouc au menton. Accoudé au bar, il nous regarde, amusé. La série de photos se voit, floue en arrière-plan, et apporte une richesse à une photo qui en fait elle-même partie.

C'est Christelle Ponnet qui est l'auteur de cette œuvre. Elle continue toujours de prendre des photos de personnes qu'elle choisit elle-même. Elle poursuit ce travail, décrochant les anciennes photos et les remplaçant par des nouvelles.

Ces photographies racontent la vie du bar, lieu de vie et de convivialité. C'est un endroit bougeant, humain. Les photos rendent hommage à la richesse humaine, au quartier. Enfin de l'art utile et enrichissant pour notre vie quotidienne.


Christelle Ponnet, "Portraits de bar"
"Le Bearn", place Saint-Opportune, 75001 Paris

mardi 4 octobre 2011

Georg Baselitz

Le Musée d'Art moderne de la Ville de Paris présente une exposition des sculptures de Georg Baselitz, né en Allemagne en 1938.

Dans toute son oeuvre, Georg Baselitz a créé des formes brutes, primitives, qui vont contre l'art classique. Encore plus que son oeuvre peinte, cette exposition de ses sculptures montre une intention de plonger dans les racines de l'art, de l'homme, avec des formes non finies, qui ramènent à l'enfance.

Au début de l'exposition, nous voyons de grosses sculptures en bois, aux couleurs chaudes, jaune, marron, ocre rouge. Trois têtes en bois, dont l'une est présentée allongée, clin d’œil à ses peintures retournées. "Modèle pour une sculpture", datée de 1980, est une grande statue en bois représentant un personnage le bras levé, mi-assis, mi allongé. Les jambes ne sont pas précisées, on trouve à la place un gros bloc de bois. L'artiste déclare avoir voulu faire une oeuvre en "suspension, imprécise, ni debout, ni assise, ni allongée".
Ces sculptures sont chaudes, boisées, vivantes, colorées. Le bois dévoile son intérieur coloré et lumineux.

Un grande sculpture datée de 1983, "Sans titre", représente un personnage debout, mince, très allongé. Elle semble comprimée verticalement, tant elle est étirée en hauteur. Elle porte des couleurs bleues et des marques sur le bois, au niveau des genoux, des pieds, des doigts, mais surtout de la tête. La bouche est tracée par trois traits horizontaux. Cette pièce est porteuse d'une grande énergie intérieure, elle paraît prête à exploser.

La série des "Femmes de Dresde" est un ensemble de six grosses têtes jaunes, marquées de traits enfoncés dans le visage. De grosses têtes en bois, dont les éléments du visage sont en profondeur par rapport à la face. Cette couleur jaune est le contraire de la vie. Un jaune citron, minéral, éclairant comme ces cristaux que l'on trouve dans les grottes. Les "Femmes de Dresde" sont des grandes têtes mutilées. Les emplacements des yeux, de la bouche et du nez sont creusés. Ce sont des totems immobiles, des gardiens du temple d'une histoire passée.

En fin d'exposition, nous avons de grands personnages silencieux. Une sculpture représente un garçon aux grosses chaussures, portant une casquette, les mains dans le dos. Un personnage plus grand que nature taillé dans le bois, avec des éléments humoristiques, comme l'ancre de bateau dessiné sur la casquette.

C'est une exposition à multiples clins d’œil, aux arts premiers, aux jouets en bois, qui s'oppose à la sculpture classique. Georg Baselitz le dit : "la sculpture a quelque chose à voir avec l'archéologie, on creuse et on trouve quelque chose."


Baselitz sculpteur
Exposition du 30/09 /2011 au 29/01/2012

Musée d'Art moderne de la Ville de Paris
11, av. du président Wilson
75016 Paris

jeudi 15 septembre 2011

Gaelic

Gaelic a exposé ses photographies au 59 Rivoli, à Paris, jusqu'au 11 septembre 2011. Vingt années de travaux étaient présentées dans cette exposition où l'on notait une grande diversité des œuvres. A tel point que l'on pouvait penser que plusieurs artistes exposaient sur les deux niveaux de la galerie du "59". C'était pourtant bien le travail d'un seul photographe, Gaelic.

Parmi ses œuvres, "Provision pour l'hiver" est une photographie de format allongée verticalement montrant des pavés aux tons ocres rouges. Des pavés entassés. Plus on monte dans l'image, plus le tas de pavés s'éloigne, le rendant encore plus énorme. Nous sommes sur une sorte de planète Mars envahie de pavés rouge. On ne sait pas trop si ils sont agencés horizontalement comme le sont normalement les pavés, ou verticalement comme le suggère le format de la photographie.

"On a marché sur la dune" est une photographie très allongée horizontalement. Une plage de sable avec la mer en arrière-plan, et des traces de pas sur le sable. C'est une étendue tranquille. Il n'y a aucune présence humaine, mais nous ne nous sentons pas seuls grâce aux traces de pas, ponctuations noires. La lente montée de la dune, le ciel d'un blanc neutre, les douces vagues de la mer, font de cette photographie une œuvre apaisante. Toutes nos tensions s'évanouissent à la vue de ce paysage qui semble inspiré par la philosophie zen.

"Solitude sur un banc dans un parc" est une vision d'un personnage assis sur un banc, avec des feuillages d'arbres. Le blanc des feuilles transpercées de lumière illumine l'image.

Avec "Panic", des formes blanches fantomatiques virevoltent dans un carré noir.

Quatre photographies font partie d'une série : "Wax Farce pour plusieurs crabes", "Wax opéra pour chambre obscure - Hermione", "Festival Virus", "Nam Jam Session". Elles sont en noir et blanc, mais le noir l'emporte. Sur chacune, un ou plusieurs personnages sont dans un rayon de lumière, comme une forme de mise en scène.

Cette exposition multiforme, multifacette, alterne la couleur et le noir et blanc. Comme le dit l'artiste, tout s'additionne, les travaux même les plus anciens sont toujours d'actualité.


"Apparently unrelated events", exposition photographique de Gaelic.
Jusqu'au 11/09/2011 à l'aftersquat 59 Rivoli. 59, rue de Rivoli, 75001 Paris.
http://gaelic.fr
http://gaelic.tumblr.com
http://www.facebook.com/ateliersousreserve


"WAX Opéra - Hermione" - 2001





vendredi 2 septembre 2011

Marc Desgrandchamps

Marc Desgrandchamps est un artiste peintre né en 1960. Il commence à peindre dans les années 80. Jusqu'au 04 septembre 2011, Marc Desgrandchamps expose ses toiles au Musée d'art Moderne de la ville de Paris. C'est pour nous l'occasion de voir ses grandes peintures représentant des vues ensoleillées avec des personnages en maillot de bain.

De larges aplats dilués et des coulures construisent ses toiles, où les éléments du tableau semblent transparents. Les personnages notamment semblent pâles, irréels.

Dans un grand triptyque, trois femmes vues de dos marchent dans un paysage sous le soleil. Tout s'efface dans ce tableau tant les couleurs sont diluées, rien ne paraît certain. C'est ce qui rend cette œuvre inquiétante, nous sommes dans un doux rêve, dans une atmosphère cotonneuse.

Mais un élément tranche dans cette ambiance. Une tache de peinture noire, peinte dans le ciel, et qui ne représente à priori rien de connu. Paradoxalement, cette touche de peinture, tout droit sortie d'un tableau abstrait, est ce qu'il y a de plus réel dans cette œuvre. Enfin quelque chose de concret, c'est un gribouillage de la main du peintre. De la peinture, de la vraie peinture, existante pour elle-même.

Cette tache nous sort de la léthargie bienheureuse dans laquelle nous plonge le tableau.


Marc Desgrandchamps
Exposition jusqu'au 04/09/2011
Musée d'art Moderne de la ville de Paris

lundi 8 août 2011

Jan Kopp

Jan Kopp, artiste allemand né en 1970, réalise des vidéos, des dessins animés, des installations.

Il expose actuellement à l'Abbaye de Maubuisson à Saint Ouen l'Aumône (Val d'Oise). L'installation "Le Jeu sans fin" est exposée dans la grange de l'abbaye.

Première impression en entrant, nous sommes saisi par le lieu d'exposition, ou ce qui est considéré comme le lieu d'exposition. Cette vaste grange médiévale, majestueuse et silencieuse, témoin des siècles passés, prend une large place par rapport à l'œuvre d'art, ou ce qui est considéré comme l'œuvre d'art.

Le doute plane tellement sur ce qu'est l'œuvre que le spectateur est invité à avancer par la médiatrice présente dans la grange.

On sait en effet, depuis Marcel Duchamp, que c'est le spectateur qui créé l'œuvre. Avançons donc, puisque nous sommes (considérés comme) spectateur, et admettons ce vaste ovale blanc surmonté de onze pendules de Foucault comme une œuvre d'art.

Des billes colorées sont posées sur une surface blanche ovale, en une constellation multicolore. Les pendules de Foucault viennent parfois choquer les billes et les déplacer.

Le temps qui passe est un des thèmes de l'installation. Cette œuvre est mouvante. Elle égrène le temps de façon immuable. C'est une métaphore du cosmos soumis aux lois de la gravitation. Nous sommes le créateur regardant l'univers qu'il a créé, en train d'évoluer selon des lois intangibles.


Jan Kopp
Exposition jusqu'au 01/10/2011
Abbaye de Maubuisson
avenue Richard de Tour
95310 Saint Ouen l'Aumône

lundi 1 août 2011

Le 59 Rivoli

Dans les années 2000, plusieurs squats artistiques existaient à Paris. Citons la Miroiterie, Alternation, le Miro, la Petite Roquette et le 59 Rivoli. Tous ont fermé sauf ce dernier, qui a été régularisé, racheté et rénové par la mairie de Paris.

Précisons que si les squats sont toujours ouverts pour des motifs économiques (pas d’accès à un logement), certains ont une composante supplémentaire, une composante artistique. Il s’agit de proposer des créations à travers des ateliers d’artistes.

Un ancien squatteur parisien, que j’ai rencontré, précise que l’objectif d’un squat n’est pas toujours d’être régularisé. « A partir du moment où l'histoire est lancée dans un lieu, à partir du moment où le processus est acquis pour l'institution, pour les services sociaux, la police, la justice, on va essayer de pérenniser, de construire des rapports institutionnels, de projets, d'associations, de subventions. Ou alors, on reste en autonomie, indépendant de tout regard institutionnel. »

Les riverains d’un squat artistique ont un regard qui évolue sur ce lieu. Ils voient le squat avec « effroi, aux premières semaines, puis avec curiosité, continue notre ancien squatteur. A l'heure du déjeuner, ils rentrent dans cet immeuble. Pendant toute une vie de travail, ils sont passés devant, ils auraient souhaiter le visiter et là ils le visitent, c'est une restitution, quelque part. »

Le 59 Rivoli a commencé à être squatté en novembre 1999 par trois amis, Kalex, Bruno et Gaspard Delanoë. En 2000, Bertrand Delanoë, lors de sa campagne pour la mairie de Paris, fait la promesse de légaliser ce lieu. L'ensemble du programme de rachat et de rénovation a été mené par la ville de Paris, jusqu’à la réouverture en 2009 comme lieu d’art, hébergeant des ateliers d’artistes, dans une ambiance de ruche, dans une ambiance d'essaim d'art où des gens de nationalités, d'origines, de sexes, de milieu social différents cohabitent.

Quelle est la place du 59 dans l’art actuel ? Gaspard Delanoë affirme qu’il s’agit vraiment d’un lieu alternatif. « Il n'y a pas d'autre lieu qui fonctionne comme cela, précise le fondateur du lieu, où ce sont les artistes eux-mêmes qui sont en charge de leurs ateliers, qui sont en charge des expositions, qui font l'accrochage, et qui sont directement en contact avec le public.»

Gaspard Delanoë fustige le système marchand de l’art. « Le milieu de l'art contemporain, c'est avant tout une compétition artistique. On est avec un petit galeriste, on essaye de lâcher le petit galeriste si on arrive à avoir un plus grand galeriste. C'est de la Formule 1, c'est de la compétition. C'est un système dans lequel le marché a un très fort pouvoir. Nous ne sommes pas du tout dans ce système là. Ce qui nous intéresse, c'est de permettre à tout un tas d'artistes de travailler et de montrer leur travail. »

Henri Lamy, peintre, est résident du 59 Rivoli. Il réalise de grandes peintures colorées, des portraits, avec des projections de peintures. Il a quelques contacts avec des galeries qui s’intéressent à lui. « J'ai des petits trucs qui s'organisent à droite à gauche ». Sur le prix de vente de ses toiles, il « n’a pas spécialement envie que cela se vende cher, mais [il a] envie que cela se vende pour continuer à en faire, continuer à bosser comme cela. »
Pour lui, le 59 Rivoli est « un lieu qui est ouvert à tous pour pouvoir créer, pour pouvoir montrer aussi son travail. C'est important, c'est une ambiance qui est particulière, vraiment sympathique. C'est à cheval entre le squat, où on peut faire tout ce qu'on veut mais la liberté de chacun s'arrête là ou commence celle des autres ; à cheval avec une galerie où tu vas pas péter de travers, sinon on te regarde mal ; à cheval avec une biennale ou une foire où il y a trop de monde et où on s'y perd. Il y a un nombre constant d'artistes dont la moitié est périodiquement renouvelée, dont moi. Cela fait qu'il y a tout le temps des choses différentes à voir et en même temps, c'est pas le bordel non plus, on sait qui est là, c'est bien. Je ne vois que des avantages à cet endroit. »

Le 59 Rivoli est un lieu original dans le monde de l’art contemporain, une faille dans le système, où souffle un vent de liberté.

Quand nous visitons ce lieu, ayons bien conscience de notre privilège.


Le 59 Rivoli
59, rue de Rivoli
75001 Paris
http://59rivoli.org

Henry Lamy : www.henrilamy.fr

dimanche 3 juillet 2011

"L'art et l'illusion" de E.H. Gombrich

Dans "L'art et l'illusion", E.H. Gombrich montre que la vision de la réalité dans un tableau n'est qu'une illusion. Exécuter une œuvre, ou la regarder, s'appuie sur des mécanismes inconscients. Entrent en jeu notre culture et les œuvres d'art du passé que nous avons déjà vu.

Nous constatons qu'à chaque époque de l'histoire de l'art correspond un style particulier reconnaissable. Pour les historiens de l'art, l'influence des maîtres du passé joue un rôle dans les créations artistiques.

Nous pensons que les peintures paysagistes reproduisent la réalité, mais c'est loin d'être le cas. Nous ne savons rien des moments d'observation du peintre, des mécanismes de la pensée l'ayant amené à exécuter son tableau. Dans l'histoire de l'art, nous avons de multiples exemples de peintures et gravures se disant réalistes, mais qui, pour le spectateur du 21ème siècle, ne le sont pas. Les peintres ont toujours inconsciemment en tête des modèles, des valeurs sur lesquelles ils s'appuient, même pour "représenter fidèlement" la nature. Ces modèles et valeurs sont arbitraires.

Gombrich aborde également la question des symboles dans une œuvre d'art. Selon lui, entre la réalité et l'image, il y a les symboles, dont se servent les artistes. Il y a des images ou des sculptures dont nous nous plaisons à imaginer qu'elles pourraient être réelles, tout en sachant qu'elles ne le sont pas. Cette forme d'imagination plaisante, n'est ce pas cela, l'art ?

Autre thèse de Gombrich : le spectateur est aussi un créateur. Le spectateur perçoit l'image. Petit à petit, la peinture à l'huile a évolué vers le fait que le spectateur doive chercher son bonheur dans le tableau. Dans l'art contemporain, si l'on retrouve l'imitation de la nature, il se rajoute un concept de jeu du tableau, une déformation du sujet par les caractéristiques du médium. Ces caractéristiques du médium apportent une richesse supplémentaire et plus de subtilité.

Concernant la perspective, nous savons que les règles de la perspective ne sont pas exactement conformes à la réalité. Mais, nous dit Gombrich, cette affirmation n'a aucun sens. En effet, si nous savons qu'une ligne droite est vue légèrement incurvée, nous l'interprétons comme étant droite. Sur le tableau, devons-nous tracer cette ligne incurvée pour correspondre à ce que nous voyons, ou droite, pour correspondre à ce que nous savons de la réalité ? Face à un tableau plus grand que la taille humaine, cette question prend toute son actualité.

En conclusion, Gombrich nous rappelle que, face à un tableau, chacun de nous exprime et interprète les choses différemment.


E.H. Gombrich, L'art et l'illusion, psychologie de la représentation picturale, Paris, 2002

samedi 18 juin 2011

Fabesko

Fabesko, artiste plasticienne, a bien voulu répondre à nos questions. Nous l'en remercions.


Quels artistes classiques vous plaisent ou vous inspirent ?

Classiques, classiques ? Au départ, Picasso évidemment. Je l'adore par dessus tout. Après, dans les contemporains, je parlerais plus de Di Rosa, Combas. Sinon, j'adore Dadou qui est quand même bien abstrait maintenant. Mais après, je suis vraiment une petite fille de Keith Haring, de Di Rosa et Combas. Basquiat non. Tout le monde me parle de Basquiat par rapport à mon travail, mais moi je ne trouve pas. J'avais 16, 17ans en 1986, quand j'ai commencé vraiment à peindre, et Combas, je commençais à connaître, mais ce n'est pas lui qui m'a inspiré. Ce sont vraiment des gens comme Di Rosa.


Quelles sont vos intentions en art. Que souhaitez-vous exprimer?

En art, je souhaite surtout me faire plaisir à moi-même. C'est mon travail, j'ai envie de faire ça. J'adore passer mes journées à peindre, cela m'empêche de penser à des choses dont je n'ai pas envie de penser. C'est de l'art thérapie, peut-être. Je suis toujours dans un univers super ludique, avec beaucoup de super héros, des choses comme ça. Je m'en sers pour parler du monde. Les super héros, pour moi, ce sont des boucs émissaires. Ils n'ont pas sauvé le monde, donc c'est de leur faute si le monde va mal. Mon boulot évolue toujours là-dessus.


Je trouve que vos œuvres font revivre l'univers de l'enfance, avec les jouets, mais certains de ces jouets sont assez sombres, voire violents, avec des pistolets, des cœurs noirs, un Goldorak armé de son astéro-hache. Est-ce que vous souhaitez exprimer quelque chose de violent ?

Oui, tout à fait. Il y a un tableau qui n'est pas là, que j'ai vendu il y a un an, où on voit Goldorak au premier plan, avec un petit personnage dans un coin. Il s'appelle "J'avais 10 ans dans les années 80", parce que je suis née en 70, "et Goldorak ne m'a pas sauvé." Moi, j'ai eu une enfance difficile. Je rentrais de l'école pour me mettre Goldorak à la télé, il y avait RécréA2, etc. Cela me faisait juste me détendre par rapport à l'endroit où j'habitais et des parents pas très cool que j'avais. Je suis super noire par rapport au monde. J'ai un slogan, c'est "j'emmerde demain et après demain". C'est à dire que je vis vraiment au jour le jour. Je suis une épicurienne moderne, peut-être.


Une dernière question. Il y a toujours des écritures et des mots sur vos toiles. Qu'est ce que la lecture de mots apporte de plus aux œuvres ?

C'est sûr que ce n'est pas quelque chose d'obligatoire de mettre un mot. J'en fais des jeux de mots. Par exemple, Captain America, j'en fais Captain Americaca boudin, au lieu de dire que je n'aime pas les Etats-Unis. C'est plus pour me marrer, pour faire de la politique, mais comme si c'était un gamin qui la faisait. Après, il y a plein de choses, Goldorak, c'est Goldoraclure. C'est peut-être facile, mais moi, ça m'amuse.


http://artmachtfrei.carbonmade.com/
L'atelier de Fabesko est situé au 59 Rivoli, ex squat, ruche culturelle alternative en plein cœur de Paris.
59rivoli.org

samedi 28 mai 2011

Monumenta 2011 - Anish Kapoor

Le Grand Palais à Paris présente une installation d'Anish Kapoor.

Le spectateur perd ses repères quand il entre dans l'oeuvre. Après s'être habitué à l'obscurité, on voit un espace qui s'ouvre assez haut, à gauche, en face et à droite. La perspective est annihilée, on ne voit aucune profondeur.

Des lignes noires sont tracées sur les surfaces rouges. Les surfaces ne sont pas forcément planes par rapport à nous, nous les voyons en raccourci, elles sont fuyantes. Les lignes tracées sont faites pour contrarier la perspective.

Notamment, quand nous entrons dans l'installation et avançons vers le fond, nous voyons des lignes qui convergent vers un point de fuite dessiné sur ce fond. Cela dessine un immense trou, un immense tube qui s'ouvre devant nous.

Un mot sur la couleur rouge : elle créé un univers sanguin, coloré. Il y a des lumières blafardes, c'est un rouge lumineux. Dans cette oeuvre, on ne peut s'empêcher de penser que l'on est un enfant dans le ventre maternel, que l'on est tout petit.

Après avoir visité l'intérieur de l'oeuvre, nous passons à l'extérieur. Cette masse est vraiment imposante. Ces énormes boules noires dans la nef du Grand Palais sont une belle performance d'architecte.

Cette oeuvre nous a trompé plusieurs fois. D'abord, en entrant dans l'intérieur, on croit que l'espace est immense, et que l'artiste a voulu cacher cette profondeur par un faible éclairage. Puis, après quelques minutes d'attention, on se dit que les surfaces en face de nous sont planes, et que l'artiste a voulu tromper cette planéité en dessinant sur les surfaces des lignes de fuite convergentes, de façon a recréer une profondeur. Enfin, quand on regarde l'installation de l'extérieur, on se rend compte que toutes les surfaces de l'oeuvre sont en fait arrondies.

Une médiatrice du Grand Palais a bien voulu répondre à nos questions. Nous l'en remercions.

Quels sont les artistes qui inspirent Anish Kapoor ?

Anish Kapoor ne nous a pas particulièrement cité d'artiste qui l'inspirait. Ce sont surtout des références culturelles. Il est britannique d'origine indienne. Le rouge, c'est une couleur chaude, inspiré par ses voyages en Inde avec les tas de piments et d'épices, les tas de couleurs. Ce qui l'a surtout inspiré, c'est le lieu. L'oeuvre est vraiment une réponse au lieu.

Quelles sont ses intentions, que souhaite-t-il exprimer ?

Monumenta, c'est la nef du Grand Palais qui invite un artiste contemporain à investir le lieu. Il est venu plusieurs fois, il s'est imprégné du lieu. Il a voulu faire quelque chose qui prenait tout l'espace, il a fait une architecture dans l'architecture, et sa priorité était que le volume soit envahi.

Il y aussi cette notion d'intérieur – extérieur, qu'il a voulu rendre vivant avec cette couleur rouge qui se rapporte à quelque chose d'organique ou de vivant plus la plupart d'entre nous.

Quand il fait beau, l'armature de la nef du Grand Palais s'imprime en ombre sur la bâche. Cela change en permanence selon le soleil, les nuages qui passent, la luminosité qui décroît. Il y a un intérieur, un extérieur, quelque chose de vivant, mais c'est surtout un envahissement de l'espace.

Cette oeuvre est assez chaude, elle place le spectateur dans une position assez confortable. N'est ce pas un peu trop facile, cette oeuvre n'est-elle pas trop gentille ?

C'est trop facile, et en même temps, il y a des illusions d'optique très fortes. C'est a dire qu'il y a des formes qui partent sur les cotés et qui ne sont pas terminées. On est donc un peu frustré, on a envie de se projeter, on les imagine. C'est facile parce que c'est rassurant, mais en même temps, cela demande un effort d'imagination assez important.

Même depuis l'extérieur, on n'a pas de vision synoptique. Pour comprendre l'oeuvre, pour réussir à l'appréhender dans sa globalité, on est obligé de l'imaginer, on est obligé de compléter l'expérience par l'imagination. C'est ce qu'Anish Kapoor a voulu, c'est ce qui est primordial dans la compréhension de l'oeuvre.



MONUMENTA 2011 - ANISH KAPOOR

Exposition du 11 mai au 23 juin 2011

Nef du Grand Palais - Porte principale

Avenue Winston Churchill 75008 PARIS

www.monumenta.com

mardi 3 mai 2011

Tania Mouraud

Tania Mouraud, artiste, a bien voulu répondre à nos questions. Nous l'en remercions, ainsi que la galerie Dominique Fiat qui a rendu possible cet entretien.


Quels artistes classiques vous plaisent ou vous inspirent ?

J'ai vécu dans l'histoire de l'art dès ma plus tendre enfance, puisque j'allais au Louvre avec ma mère dans le cadre du programme scolaire. Le programme d'histoire revenait chaque année, donc j'ai eu ainsi l’occasion de revoir souvent les tableaux. J'y suis allée régulièrement jusqu'à 16 ans. Après je suis partie à l’étranger.

D'autre part, dans ma chambre, il y avait une reproduction d'un tableau de Miro, dans lequel j'ai voyagé pendant longtemps. C'était un tableau abstrait avec juste un œil au centre. Toutes mes installations viennent du voyage perceptuel dans cette reproduction d’un tableau, mais il ne s’agit pas d’un phénomène intellectuel mais plutôt sensoriel. La peinture coule dans mes veines. C'est une immense aide pour la vidéo. En fait, dès qu'il y a image, je tends à créer une image qui va vers cette culturalité dans laquelle j'ai baigné dès mon plus jeune âge.


Les événements de mai 1968 ont-ils influencé votre travail ?

Pas du tout, pour la bonne raison que j'étais en Allemagne avant 1968. Il y avait la guerre d'Algérie. J'étais toute jeunette, j'avais 15 ou 16 ans, et j'ai rencontré des gens très engagés. L'Allemagne à cette époque était une des plaques tournantes des mouvements de libération. J'ai donc eu une formation politique très jeune. Il ne faut pas oublier qu'il y avait Rudi le Rouge. J’y ai rencontré Beuys ainsi que les poètes de la Beat Generation tel que Corso et Ferlinghetti.

Mon père est mort dans la résistance. Cela a joué dans mon élaboration politique, puisque j'ai grandi avec des héros de la résistance, qui pour votre génération ne représentent plus rien, mais pour ma génération, cela voulait dire des gens qui s'étaient engagés et qui risquaient la mort pour leurs idées. C'est aussi en Allemagne que j'ai approfondi ma connaissance des luttes contre la guerre au Vietnam, du féminisme, du Black power, etc… Quand je suis arrivé en France en 1968, j'ai participé comme tout le monde, mais sans plus. Cela ne m'a pas profondément influencé, parce que j'avais déjà fait ma formation en Allemagne.


Je vais vous parler des séries "Black Power" et "Black Continent", sur lesquelles vous avez travaillé en 1988, jusqu'au début des années 1990. Vous peignez des contours de lettres en noir, les lettres se détachant sur le fond blanc. Dans le tableau "WHATYOUSEEISWHATYOUGET", vous peignez un grand tableau en noir et blanc, un labyrinthe mystérieux, difficile à cerner et à pénétrer. Le fait de lire des mots apporte-t-il quelque chose de plus aux œuvres ?

Il s'agit de 3 séries différentes. Dans "Black Power", en fait, il ne s'agissait pas de contours de lettres. Il s'agissait de l'intérieur des lettres, la contreforme, de lettres majuscules. Le fait de travailler à partir de l'écriture vient des affichages que j'ai fait dans Paris, City Performance n° 1. Il y avait le mot NI qui s'inscrivait, et qui était répandu 54 fois dans Paris. Un jour où j'étais fatiguée, j'ai vu le mot NI en négatif. Je faisais aussi beaucoup de photos, je tirais moi-même et je pouvais lire dans les deux sens positif/négatif. Quand j’ai vu le NI en négatif, j'ai tout de suite compris que je pouvais enfin faire de la peinture sans renier les peintres que j'aimais tels Malevitch, Mondrian, etc… Il ne s'agissait donc pas du contour des lettres, mais de l'intérieur. Le texte se dessinait virtuellement sur le mur.

Avec "Black Power", on est attiré par le noir, on voit le noir, on croit c'est ça l'oeuvre, mais ce n'est pas ça. C'était à la fois un clin d'œil au courant noir américain, et à la fois une réflexion sur les questions de la perception, que voit-on, où est le tableau, où est la fin du tableau ? Ensuite, "Black Continent", c'est quelque chose que j'ai fait sur le même principe, mais avec la contreforme des lettres minuscules. Je l'ai appelé "Black Continent" parce que soit disant la femme, c'est la courbe, c'est le continent noir.

Les Wall Paintings sont très différents. Là, j'étire les lettres jusqu'à l'illisibilité, et il ne s'agit pas de tableau. Ils sont peints directement sur le mur. Et dans les "Black Power" et "Black Continent", une partie du tableau était le mur lui-même. Le fait d'utiliser l'écriture est très important. Cela me permettait de ne pas prendre de décision esthétique arbitraire, par exemple à côté de ce beau triangle, je vais mettre ce beau rectangle. Cela me permettait de ne pas travailler sur des données anciennes, parce que finalement, ce qu'on appelle l'esthétique, c'est quelque chose que l'on a déjà vu. Au lieu de suivre la logique de l'esthétique bourgeoise, je suivais la logique de l'écriture, c'est cette logique de l'écriture qui crée la composition.

J'ai été plus loin par rapport à la composition. J'ai créé avec un ingénieur informaticien un logiciel où il y avait le négatif du mot ICI qui se répétait plusieurs fois, et il fallait 24000 ou 27000 ans pour qu'une configuration identique se reproduise sur l'écran pendant 1/25ème de seconde. J'ai fait mes compositions en faisant un arrêt sur image. Je ne voulais pas intervenir, je voulais vraiment faire jouer le hasard. Voila une des raisons pour laquelle j'ai utilisé l'écriture. La deuxième raison, dans le cas par exemple des peintures murales, c'est que la philosophie devenait un décor. "WHATYOUSEEISWHATYOUGET" c'est de la philosophie. En réalité, c'était le slogan de Macintosh lorsqu'il a inventé le Wysiwyg. Ce qui m'intéressait, c'était la philosophie et ses va et vient de strates de sens.


Le noir est très présent dans votre œuvre. Pourquoi ? Avez-vous déjà eu envie de faire de la gravure ?

Jamais. J'ai dû faire une fois dans ma vie une linogravure. On pourrait dire qu'une des personnes sur lesquelles je me suis appuyé est Rodchenko. On devrait pouvoir faire un tableau par téléphone. J'étais vraiment pour la science, pour les plans d'architecture. A l'époque, on travaillait sur du papier millimétré. "Black Power", c'est de la toile sur châssis, donc il fallait tout faire sur du papier millimétré, pour que le menuisier fasse les châssis exactement comme demandés. Pour moi, la vraie libération a été l'ordinateur. J'ai un problème avec le travail manuel. J'ai fait de la peinture que j'ai brûlé. De cette période de peinture, le seul souvenir extraordinaire que je garde est le moment infinitésimal où le pinceau touche la toile, lorsqu’il y a une petite tension, un petit recul que j'adore. Mais par contre, j'ai horreur de dessiner, parce qu'il y a une vibration dans la main que je déteste. Une vibration créée par le papier ou par l'outil sur le papier. Je déteste ça. J'adore taper sur un clavier d'ordinateur.

Je travaille le noir vraiment comme une couleur. Dans "Black Power", je monte les tons pour avoir une profondeur. En dessous, il y a du bleu de phtalocyanine. Quand j'ai fait la série "De la décoration à la décoration", j'ai travaillé avec la couleur. J’utilise les couleurs –pour moi le noir est une couleur- en fonction du projet conceptuel du travail.


Je vais vous poser des questions plus générales sur vos aspirations artistiques. Pouvez-vous résumer, synthétiser l'ensemble de vos travaux. Que voulez-vous exprimer, créer ?

Je ne peux pas résumer et synthétiser l'ensemble de mes travaux, parce que cela fait trop longtemps que je travaille. Cela fait plus de 50 ans. Donc j'ai eu des périodes. Je pense que c'est guidé par le principe de plaisir. Dès qu'il y a quelque chose que je maîtrise techniquement, je m'ennuie. Quand je sens que cela va devenir trop facile, quand cela va devenir comme se laver les dents le matin, je cherche quelque chose de nouveau pour que cela soit une véritable aventure de découverte et de maîtrise du médium.

Cela a un inconvénient majeur. Des artistes qui sont d'extraordinaires techniciens dans le domaine que j'aborde feraient ça en 5 minutes, moi je le fais en 3 mois avec des souffrances inouïes. Mais je veux y arriver et j'y arrive. Par contre, cela a un grand avantage, c'est que l'œuvre garde une fraîcheur, c'est un peu mal fichu comme les œuvres des jeunes artistes. Je cherche vraiment à exprimer des émotions. L'art pour moi, c'est le ressenti même si c'est basé sur l'intellect. Depuis la maturité, j'ai jeté au panier tout l'apprentissage intellectuel que j'ai fait. Cela ne veut pas dire que je ne continue pas à lire, mais comme cela fait partie intégrante de moi, je vais droit au but. Je me cale bien sur l'émotion que je veux transmettre et je me donne les moyens de transmettre cette émotion.

L'autre avantage de travailler sans être un grand technicien, c'est que je fais exprès d'utiliser des outils pas très performants en vidéo. Si j'ai des images trop "National Geographic", je les jette, parce que cela va créer une sorte d'écran entre l'œuvre et le spectateur en imposant un savoir-faire que n'a pas le spectateur. Tandis que si mes images sont un peu baveuses, le spectateur a l'impression qu'il aurait pu le faire lui-même avec son téléphone portable. Ce que je veux, c'est être à égalité, être en connivence avec, faire une confidence. Pour faire une confidence, l’artiste comme le spectateur sont posés sur la même terre, sans hiérarchie intempestive.


Pour finir, je vais vous faire part d'une opinion personnelle sur votre travail, voire d'une opinion critique. Je trouve que vos œuvres sont dans le registre de la négation. Quand vous brûlez vos toiles, vous niez être peintre. Vous affichez le mot NI sur des espaces publicitaires à Paris. Vos peintures ne sont pas cadrées, encadrées, ce ne sont pas des formats rectangulaires et vous niez ainsi la peinture de chevalet. Quand vous mettez des phrases dans vos œuvres, elles sont très difficilement lisibles et vous niez la lecture de ces œuvres. Avec la série "De la décoration à la décoration", vous niez aussi la peinture de chevalet, avec ces petits caissons colorés accrochés au mur. Vos séries de photographies de vitrines se revendiquent comme des photographies d'amateur, et vous niez ainsi être une photographe professionnelle. Au fond, je pense que votre oeuvre a besoin d'une tierce personne, un galeriste, un médiateur, un écrivain, pour s'affirmer et pour affirmer ce qu'elle exprime.

Je vous remercie. C'est un grand compliment que vous me venez de me faire, puisque vous dites que je nie tout un héritage un peu plan-plan de la pratique artistique. Mais pour pouvoir nier, utiliser la négation, il faut avoir une certitude de quelque chose de positif. Par exemple, lorsque j'introduis dans la ville en 3 mètres sur 4 le mot NI qui se répète plusieurs fois, je veux simplement dire que je ne suis d'accord avec rien de la société occidentale. Je ne suis pas d'accord avec la consommation outrancière, je ne suis pas d'accord avec les pseudo philosophies, je ne suis pas d'accord avec la religion basée sur du sang, c'est pour ça que je dis NI.

NI, c'est quand même le connecteur facteur de vérité : ni blanc, ni non blanc, ni noir, ni non noir, c'est toujours vrai. Je pointe vers quelque chose d'autre, vers une aspiration autre, qui est l'aspiration de toute la jeunesse, d'une grande partie de la jeunesse et des gens qui réfléchissent. Une aspiration politique, au sens grec du terme, une aspiration de citoyenne. L’utopie républicaine, car si l’on supprime la République, on entre dans les totalitarismes.

Par ailleurs, concernant le fait que mon oeuvre a besoin d'une galerie pour vivre, je n'ai pas travaillé avec des galeries pendant au moins 15 ans, grâce au système mis en place par Jack Lang. Le jour où j'ai senti que je n'allais plus pouvoir montrer mon travail, j'ai pris une galerie. Mais il ne faut pas dire que la galerie est complètement négative. La galerie, finalement, sert à rendre visible le travail. Mais ce n'est pas faire le travail, c'est le rendre visible. Le rendre visible au plus de gens possible. C'est grâce aux galeries, aux institutions françaises ou étrangères que l'on s'intéresse au travail.

J'expose dans de nombreuses institutions où il n'y a pas d'argent comme par exemple le Centre de Création Contemporaine à Tours, il n'y a pas un sou, mais tout le monde y va, parce que les expositions sont remarquables grâce à Alain Julien-Laferrière qui adore les artistes, qui adore l'art. C'est une rencontre magnifique. Il y a plein de jeunes qui viennent, et il n'y a pas d'argent. Je rentre de Philadelphie où j'ai exposé dans trois lieux. Cela a été un succès du public, un succès dans la presse américaine. L'exposition pour l'artiste est la même chose que la publication pour le scientifique. Si le scientifique ne peut pas publier, personne ne connaît sa découverte. Si l'artiste ne peut pas exposer, personne ne connaît ses découvertes

Comme tous les artistes, j'ai besoin d'une galerie, ou de quelqu'un qui rende le travail visible, mais pas pour expliquer et encore cela dépend à qui. Il m'est arrivé qu'un enfant dans un centre d'art voie "Black Power". Les enfants, ils prennent le temps de lire. Nous, on est tellement blasés, on reste 7 secondes devant une oeuvre, mais l’enfant va rester une demi heure. A l'époque, je peignais au rouleau à peinture, cela faisait des petites textures sur la toile. Le gamin m'a dit "j'ai compris ce que vous faites, Madame, quand on se déplace, le tableau change, la lumière ne réagit pas pareil". Il avait 9 ans. Cela fait au mois 20 ans et je m'en souviens encore. En tant qu'artiste, j'adore ces belles rencontres.


Galerie Dominique Fiat

16, rue des Coutures Saint-Gervais

75003 Paris

Bibliographie : Arnauld Pierre, Tania Mouraud, Paris 2004

www.taniamouraud.com

jeudi 17 mars 2011

Helena Almeida

Exposition des œuvres de Helena Almeida
Galerie Les Filles du Calvaire
17, rue des Filles-du-Calvaire 75003 Paris

Exposition du 18/03/2011 au 07/05/2011.

Dans ses photographies récentes, l'artiste exprime un attachement entre les personnes, un lien de dépendance inconscient. Les liens noirs entre les jambes ressortent bien, ce sont les seuls traits de la photographie. Nous voyons des pas de danses, plus ou moins gênés.
On voit aussi l'affalement, la déchéance d'une personne. Une masse informe, d'où deux mains dépassent. C'est un talus, une colline très noire, qui se détache sur le fond blanc. Ce talus, cette colline, c'est une personne.
Ailleurs, une main expressive (la paume visible, les doigts écartés) nous cache le visage de la personne photographiée.
Nous voyons toujours ces formes compactes que nous savons être des personnes. Sur une des photographies, deux personnes sont vues de dos. Ces deux silhouettes se confondent, s'ajoutent en une masse noire qui n'est plus une forme humaine, mais une grosse tâche sur le fond blanc de la photographie.

Helena Almeida a bien voulu répondre à quelques questions. Nous remercions la galerie Les Filles du Calvaire qui ont permis cet entretien.

Que souhaitez-vous exprimer dans vos photographies ?
C'est difficile à dire, des émotions peut-être.

Quels artistes classiques vous plaisent ?
Il y a tellement d'artistes. Rembrandt, Dürer, Botticelli, et beaucoup d'autres.

Votre travail s'adresse-t-il aux spectateurs actuels ? A qui ?
Il s'adresse à tout le monde.

Votre travail s'adresse-t-il aux générations futures ? Dans quelle mesure ?
Je ne sais vraiment pas. Je ne sais pas ce que les générations futures voudront voir.

Qu'est ce que l'art ?
C'est un mystère. Qu'est ce que la vie, ou le soleil ? Pour moi, c'est un mystère.

lundi 7 mars 2011

La Mésopotamie

La civilisation mésopotamienne se développe entre le Tigre et l'Euphrate entre -5000 et -1500 avant notre ère. Plusieurs peuples se succèdent durant cette période.

La protohistoire mésopotamienne :
Avant -3000, nous n'avons pas encore découvert l'écriture. Les créateurs fabriquent des céramiques, sculptent la pierre, fondent le métal.
Des animaux (panthères, bouquetins) sont tracés en traits noirs, précis, en des motifs répétitifs. Les ornements des vases et coupes, faits à une époque où l'on ne connaissait pas l'écriture, semblent marqués d'une obsession de créer des formes géométriques, de tracer des traits, des marques noires sur fond blanc, des lignes et séries de petits traits parallèles, des vibrations dures et cassantes de zigzags envoûtants. Il s'agit d'ornementations, dirions-nous de l'art ?

Sumer :
Entre -3000 et -2000, le peuple de Sumer domine la Mésopotamie. Ce peuple fabrique des statuettes, des bas-reliefs, des vases et cylindres sculptés dans la pierre ou l'ivoire, auxquels on ajoute des perles. On y trouve des scènes de guerre, de banquets, des divinités et d'autres représentations plus difficiles à interpréter (taureaux barbus, figurines d'adorants longilignes). Pourquoi créé-t-on des sculptures ? Pour donner vie à quelque chose ? Pour proposer une explication par les divinités et les mythes au monde qui nous entoure ? A la vue des ces "vielles" œuvres d'art, nous devons reconsidérer les œuvres plus connues, plus récentes, dont nous pensons qu'elles ont plus de valeurs. Les créateurs de l'époque sumérienne ont déjà tout fait, ou plutôt ils ont déjà tout "voulu" faire. Ces sculptures sont immobiles, mais elles représentent la vie. Elles sont solitaires, mais elles représentent la civilisation.

Babylone :
Vers -2000, un roi de Babylone fait sculpter de nombreuses statues à son effigie. On en a retrouvé une trentaine. Ces statues, représentant un personnage avec une longue robe, les mains jointes en signe de recueillement, sont taillées dans la pierre. Elles sont plus fines, plus lisses que les précédentes sculptures sumériennes. Elles sont plus rayonnantes, plus calmes, mais plus profondes, avec leurs mains finement ciselées. Dans l'histoire de l'humanité, une fois que les artistes ont commencé à créer, ils ne s'arrêteront plus. Ce sont des déferlements de créations plastiques au sein des civilisations. Au début du 2ème millénaire avant notre ère, les œuvres d'art sont déjà le reflet d'aspirations puissantes. Elles sont riches de précisions et de subtilités. L'humanité se regarde et s'exprime elle-même. Si l'art est un plaisir, ce n'est que proportionnellement à la souffrance d'être homme.

Bibliographie : André Parrot, Sumer, Paris 1981

vendredi 11 février 2011

"Art et Culture" de Clement Greenberg

Dans les années 1950, le milieu de la peinture new-yorkaise produit des œuvres qui sont considérées comme l'avant-garde mondiale. On y trouve des peintres comme Robert Motherwell, Lee Krasner, Jackson Pollock, Philip Guston.
C'est dans ce riche environnement que Clement Greenberg écrit "Art et Culture", recueil d'essais sur la sculpture, la littérature et la peinture.
Greenberg nous parle des modèles des artistes new-yorkais : les peintres européens de la fin du 19ème et de la première moitié du 20ème siècle, notamment Monet, Renoir, Picasso.
Ces artistes européens sont des phares éblouissants pour la scène artistique new-yorkaise ; tellement éblouissants que les new-yorkais veulent s'en affranchir en réalisant des œuvres typiquement américaines.
"Art et Culture" est une déclaration d'amour à la peinture de chevalet, au moment où Jackson Pollock peint sur de la toile déroulée sur le sol, sans format prédéfini.
Le grand jeu, la grande recherche de cette période, c'est l'abstraction. Clement Greenberg analyse cette démarche, ainsi que le collage.
Ce livre nous parle également d'éducation artistique. Un apprentissage de l'histoire de l'art, nous dit Greenberg, est nécessaire pour que le public puisse estimer les œuvres modernes à leur juste valeur.


Clement Greenberg, Art et Culture, Paris 1988

vendredi 14 janvier 2011

ORLAN

ORLAN, artiste, née à Saint-Etienne. Elle vit et travaille entre Paris, Los Angeles et New York.

ORLAN parodie la façon dont l'art occidental interroge la sexualité, la religion et le corps humain.

Elle a réalisé notamment plusieurs séries de photographies.

Dans la série "corps sculpture", l'artiste pose nue, dans des photographies en noir et blanc. Nous voyons des poses de statues antiques, avec un masque de diable : c'est l'histoire de l'art revisité. Parfois, le personnage féminin du tableau classique (nous savons qu'il s'agit d'un tableau classique au vu du cadre) prend son indépendance et sort du tableau.

Dans la série "skaï and sky and video", ORLAN est habillée par les vêtements drapés des peintures de la renaissance, mais de couleur noire, ce qui est nouveau. Nous voyons son sein. Ce sein apparaît dans toute la peinture et la sculpture classique, mais jamais sortant d'une toge antique.


ORLAN a bien voulu répondre à quelques questions. Nous l'en remercions.


Avec combien de personnes travaillez-vous ?

Selon les projets cela varie. Pour vous donner des exemples, pour ma prochaine œuvre présentée au Centre Pompidou, je travaille avec un producteur délégué extérieur, tandis que pour mon projet de commande publique, je collabore avec des entreprises extérieures et un architecte. A mon atelier, j’ai l’habitude de travailler avec deux ou trois assistants.


A qui s'adresse votre travail ?

Je cherche à communiquer des idées aux autres, sous une forme plastique.


Dans l'histoire des arts plastiques, les artistes ont toujours cherché à assimiler les arts qui les ont précédé, à en explorer les limites, voire à en détruire les valeurs. Quelles limites souhaitez-vous explorer, quelles valeurs souhaitez-vous dépasser ?

Il ne s’agit pas de dépasser les limites seulement pour dépasser les limites. Je ne suis pas dans la performance sportive, je ne souhaite pas paraître dans le Guinness des Records. Je cherche à interroger le statut du corps et les pressions sociales, politiques ou religieuses qui s’y impriment, et je pointe ce qui ce passe en ce moment, mais parfois, cela est jugé comme étant scandaleux.


Votre travail s'adresse-t-il aux générations futures ?

Nous ne pouvons qu’être des chroniqueurs de notre temps, mais des chroniqueurs éveillés qui évaluent ce que seront les conséquences de nos actes présents.


Quels artistes classiques vous plaisent ou vous inspirent ?

Je citerais Le Bernin, Le Caravage, Marcel Duchamp, Andy Warhol, et Hannah Höch.


Qu'est ce que l'art ?

Je vous renvoie à ma réponse faite dans le livre Pourquoi y a-t-il de l’art plutôt que rien ? aux éditions Archibooks, 2009, page 109 :
« Je parlerai à partir de l’art détaché de la « création » non aliéné au sacré et à l’hypothèse de dieu
un art de « la production artistique »
un art capable de distance, de critique, d’évaluation, de projection, d’élaboration, d’introspection et de rapports aux autres donc aussi aux autres cultures et « à ce peuple qui manque » dont parlaient Paul Klee et Gilles Deleuze,
un art faisant l’analyse de l’art et de la situation présente de notre temps
un art utilisant peut-être Narcisse, mais celui qui ne se perd pas dans son reflet
un art des nuances, et du parti pris fort, un art de la construction mentale
un art plus dans le rapport que dans le support
un art qui, comme la tendresse, l’empathie, l’humour, l’esprit, le rire... tel tout ce qui fait partie des qualités spécifiques à l’être humain qui sont dans la nuance, le subtil, la complexité...
donc d’un art autre que le « fait sous soi » ou « l’accouchement », c'est-à-dire du minimum : de la machine mise en route par dame-nature, du rien
un art construit avec du « presque rien », du « je ne sais quoi »
un art qui questionne ce presque rien
un art qui est ce presque rien qui fait toute la différence dont ce presque rien est avant tout une position consciente du monde et de l’histoire de l’art, un presque rien qui est avant tout une position consciente et un parti pris fort »