nicolasgoulette@yahoo.com

samedi 31 mars 2012

Cyprien Gaillard

En décembre 2011, le Centre Pompidou présentait une installation de Cyprien Gaillard. Une œuvre qui parait figée dans le passé, comme le sont les pièces de musée.

"Underground resistance and urban renewal" est composée de deux grandes plaques de marbre et de verre sur lesquelles sont inscrites les deux lettres U et R. Cela évoque l’ancienne cité babylonienne d’Ur. L’œuvre serait donc un témoignage de cette cité antique, exposé dans un espace muséal. Ces deux grandes lettres sont comme un panneau annonçant une ville, la ville antique d’Ur, mais aussi la ville de Detroit (UR est le sigle d’ "Underground resistance", un label de musique de Detroit).

"Structures péruviennes" est une série de présentoirs à enjoliveurs, des structures métalliques colorées (vert, jaune, rouge). Ce sont des sortes de sculptures immobiles qui sont alignées l’une derrière l’autre, faisant face au spectateur quand il entre dans la salle d’exposition. A l’instar des sculptures antiques monumentales (les sculptures des tombeaux égyptiens par exemple), ces œuvres sont simplistes du point de vue de la technique artistique, ce sont des objets stéréotypés, et sont à priori non destinés à un public amateur d’art. L’artiste a-t-il voulu ici évoquer le faible intérêt artistique des pièces antiques ?

"Fragment de bas-relief. Tête de tributaire mède – vers 710-706 av. JC" est une sculpture de tête d’homme barbu vue de profil. C’est un symbole (une création symbolique) plus qu’un portrait réaliste, avec sa barbe faite de petites boules, ses cheveux représentés par des traits parallèles. Le symbolisme, c’est une des idées qui se dégage en voyant l’exposition de Cyprien Gaillard.

Avec cette exposition, on n’est pas entraîné dans les passions de l’art classique. On n’est pas porté par l’expressionnisme de l’art moderne. Ces œuvres semblent évoquer la place qu’ont, dans les musées, les productions antiques, comme des témoignages d’activités humaines. Est-ce ainsi que des extraterrestres, insensibles à l’art, feraient une exposition sur l’humanité ? En visitant ces installations, nous sommes comme des scientifiques, des savants qui regardent des pièces exposées dans un musée d’archéologie. Ici, rien n’est érotique. C’est très savant, c’est conceptuel.

samedi 24 mars 2012

Margalit Berriet

Margalit Berriet, artiste, commissaire d’expositions, a fondé l’association Mémoire de l’Avenir. Elle permet ainsi, via l’art et la culture, et dans le cadre de projets éducatifs et artistiques, l’échange et la découverte interculturelle.

Elle nous a reçu dans la galerie de l’association située dans le quartier de Belleville à Paris.


Nicolas Goulette : J’ai vu sur votre site Internet que vous organisez des ateliers pour les enfants et des visites de musées. J’ai vu notamment l’Institut du Monde Arabe, le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme. Est ce que vous organisez des visites dans d’autres musées que ceux-la ? Lesquels ?

Margalit Berriet : Oui, il y a le musée du quai Branly, le musée d’art moderne de la ville de Paris, il y a le centre Georges Pompidou. Il y a beaucoup de musées à Paris qu’on visite, sur l’idée du dialogue interculturel et de la rencontre entre les différences. Ce n’est pas toujours la culture qui peut être la différence. Cela peut être le social, la différence fille - garçon, petit ou grand, le handicap, etc. Toutes les formes qui nous posent des problèmes dans la société pour accepter l’autre.


Est-ce que vous privilégiez les expositions autres que celles de l’histoire de l’art occidentale ?

Oui, évidemment. C’est l’Institut du Monde Arabe, le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme. Après, c’est le musée du quai Branly où toutes les cultures se croisent. Il y manque l’occident d’ailleurs, c’est grave pour moi. C’est un défaut, même si c’est le concept du musée. Il y a aussi Saint Germain en Laye (le Musée d'archéologie nationale), on n’y va jamais parce que c’est un peu trop loin, mais il représente la même idée sur l’Occident. C’est la culture occidentale païenne, la culture des tribus occidentales avant qu’on arrive à cette idée des nations qui est quand même très moderne.


Vous êtes aussi un lieu d’exposition. Comment choisissez-vous les artistes que vous exposez ?

Il y a plusieurs critères. Malheureusement, nous n’avons pas le statut de sélectionner les artistes uniquement en allant les chercher, parce qu’on est complètement alternatif. On vit avec le soutien de la ville, de l’état, par rapport à tout ce qu’on fait comme travail de terrain. La galerie est à moitié subventionnée par la ville de Paris, plutôt un tiers. Et le reste, c’est nous et les artistes. Donc il y a déjà la volonté des artistes de vouloir travailler avec nous. Il y a des artistes dont nous trouvons qu’ils ne sont pas à notre goût. Il ne faut aucune remarque raciste, anti X ou Y. Tout travail qui sort un peu de l’éthique qu’on tient, c’est non.


Combien faites vous d’expositions par an ?

Cela dépend. On essaie d’en faire de dix à onze par an. C'est-à-dire une fois par mois. Ce n’est pas toujours facile.


Ce n’est qu’à Paris ? Ce n’est pas ailleurs en France ou à l’étranger ?

Si. On expose pas mal au centre culturel français de Nazareth. On a une convention qui n’est pas encore très claire, mais on a déjà fait trois grandes expositions à Nazareth. On a exposé des artistes palestiniens et israéliens, de toute culture. Il y a des juifs, des chrétiens, des musulmans, des druzes, des bédouins, et toutes les autres cultures qui sont réunies là-bas : les polonais, les hongrois, les russes. Tout le monde se réunit et l’exposition a toujours un thème. On a eu le thème de la mère et l’enfant, le thème de l’Aïd, une fête musulmane qui correspond à l’histoire d’Abraham qui sacrifie son fils pour Dieu.

Les carthaginois, comme les Mayas au Mexique, avaient des traditions de sacrifice des jeunes enfants et des jeunes filles à des dieux. Et, avec Abraham, c’est la première loi des droits de l’enfant. On ne sacrifie pas l’enfant, on sacrifie l’animal. Cette fête est célébrée par les musulmans dans la fête de l’Aïd, pendant laquelle on mange beaucoup de mouton, et chez les juifs aussi. Mais chez les juifs, c’est devenu la fête du nouvel an, qui était avant au printemps, et qui est maintenant en septembre. C’est la même idée, autour de cette histoire. C’est la fête de l’enfance. On a fait une belle exposition autour de l’enfant. C’était intéressant parce qu’on a eu des débats avec les artistes. Ils étaient musulmans, juifs, chrétiens, druzes, et ils ne connaissaient même pas l’origine de l’histoire de l’Aïd. C’est intéressant d’avoir discuté de cela.


J’ai vu sur votre site Internet que vous évoquez les symboles dans l’art. Est-ce exact ?

C’est exact de manière très simpliste, parce que le symbole a pris plein de connotations très différentes au travers de l’histoire. On essaie de démontrer que les êtres humains, n’importe où, qu’ils viennent de Chine ou de la grotte Chauvet, jusqu’aux grottes de l’Amérique ou de l’Australie, ont eu des idéogrammes. C’est une manière dont les êtres humains ont compris le monde, ont compris le corps humain, les yeux, le nez, les oreilles, le nombril, les cheveux, tout ce qui se réfère au corps, à l’animal, à la nature, la montagne, les champs, les couleurs, etc… et jusqu’aux objets. C’est inscrit partout chez nous à travers des idéogrammes qui sont un peu comme des lettres. C’est la base de la communication humaine, qui existe jusqu’à aujourd’hui. Les neuroscientifiques travaillent beaucoup sur cela pour essayer de comprendre comment on trouve des formes communes à travers le monde entier qui ont 35000, 40000 ans et jusqu’à aujourd’hui.

N’importe quelle œuvre d’art va finalement utiliser les mêmes briques. Par contre, comment on les compose, et qu’est ce qu’on attribue à ces briques, c’est très différent. D’où vient la diversité, la recherche de la différence ? Deux frères dans la même famille ne vont pas exprimer de la même manière ni dire la même chose, mais ils vont utiliser le même idéogramme de communication. Ce n’est pas juste le langage parlé, ce n’est pas juste le langage dessiné, mais ce sont tous les idéogrammes. Par exemple, l’eau, à travers le monde, a été décrit comme cette vague de zigzags, le nombril comme une spirale. Ce sont des idéogrammes qu’on voit aussi chez les bébés jusqu’à ce qu’ils commencent l’apprentissage de la lecture et l’écriture, qui deviennent plus abstraites.

On se demande pourquoi l’art est universel. Qu’est ce qui est universel dans l’art ? Pour moi, c’est cette hypothèse là. On arrive à comprendre n’importe quel art à travers ce langage commun. En même temps, la signification sera toujours très différente. Mais si on est intuitif, si on est sensible, si on se laisse aller en face de n’importe quel message artistique, on va arriver à comprendre. On amène des adolescents, des femmes, des hommes à des expositions de cultures très différentes, et ils arrivent à les comprendre si ils se laissent aller un peu par rapport à ce langage intuitif, sensible qu’il y a au monde. Et après, on peut se renforcer par les traditions différentes, les cultures différentes.


Donc cela renvoie aux arts premiers, aux arts antiques, aux arts préhistoriques. Est-ce que ce sont des références, des sources d’inspiration, dans vos activités ?

Ce n’est pas une inspiration, c’est l’ensemble de l’humanité. C'est l’histoire de l’humanité, le miroir de l’humanité, c’est la mémoire, ce sont les mémoires au pluriel. Il n’y a pas une mémoire au singulier, il n’y a pas une histoire au singulier. Tout cela n’est pas une inspiration, ce sont des tissages.


Vous parlez d’identité individuelle et collective, de la mémoire, des différentes cultures via l’art. Comment s’exprime l’identité collective dans les pratiques artistiques, qui sont plutôt individuelles ?

Vous touchez une problématique qui pour nous est aussi une problématique pédagogique, et pas uniquement artistique. Ce n’est pas vrai qu’on est d’abord des enfants d’une communauté. Ce n’est pas vrai qu’on est héritier d’une communauté ou d’une autre. Ce n’est pas parce qu’on est né dans une famille X, dans une ville, dans une culture chrétienne, qu’on est uniquement cela. On est d’abord un homme ou une femme. On est d’abord une fille ou un garçon, à des âges différents, avec cette capacité à dire : « je ne suis pas d’abord musulman, pas d’abord juif, pas d’abord chrétien, pas d’abord français, mais j’ai quelque chose à dire, parce ce que je suis unique, parce que je vois le monde comme tout le monde, mais je compose différemment. »

Après, effectivement, on ne peut jamais faire abstraction de tout ce cercle qui nous entoure, notre famille, notre rue, notre culture, notre mémoire plurielle, qui fait qu’on a déjà un message individuel qui devient collectif. On ne peux pas échapper à parler de soi sans plein de références. On va travailler dans le groupe, avec les petits enfants qui disent : « c’est à moi, c’est à moi, tu ne le touches pas. » Les enfants se disputent, ils ne veulent pas donner leurs jouets. On va voir la même chose chez les plus grands enfants. On travaille avec les collèges et lycées. Et on va voir la même chose chez les femmes, les adultes.

Donc on va travailler d’abord individuellement. Chacun va faire quelque chose qui se nourrit déjà de son propre moi, avec tout le reste qui est autour de moi. Et après, à un moment, on va faire une installation collective avec cela. Par exemple, chacun travaille sur des tee-shirts sur ses parties du corps, et on dit : « maintenant, on va déchirer un peu le tee-shirt pour faire une installation collective. » Là, c’est devenu un drame total. Comment on va déchirer un truc à moi pour mettre avec les autres ? Et c’est là qu’on arrive à parler de ce que c’est être collectif, vivre ensemble. C’est aussi l’équation qui touche à la liberté, à la démocratie. Tout ça, on va le toucher à travers l’art. Comment pouvons-nous vivre en démocratie, où on se dit que chacun peut faire comme il veut, ce qu’il veut, quand il veut, mais en se limitant à la liberté des autres. C’est très complexe.



Mémoire de l’avenir
45/47, rue Ramponneau
75020 Paris

www.memoire-a-venir.org

Exposition « Légèreté », jusqu’au 04/04/2012

samedi 17 mars 2012

Chkoon

Chkoon, tailleur de pierre, peintre, sculpteur, réalise des peintures en utilisant des poudres noires et du liant. Ces tableaux représentent notamment des silhouettes féminines de profil. Ce sont des femmes enceintes. La façon de traiter ses sujets, en nuances de gris, fait que l’on croit voir l’intérieur du corps des femmes, leur squelette, leur intérieur profond, marqué sur ces tableaux par une masse noire allongée. A l’emplacement de l’enfant qu’elles portent, sur un des tableau, le chiffre « 1 » exprime l’unicité de chaque être. Sur un autre tableau, l’embryon est peint en fins traits blancs sur noir.

J’ai rencontré Chkoon dans son atelier, situé dans le 19ème arrondissement de Paris, au bord du canal de l’Ourcq. Il y a là plusieurs ateliers aménagés sous les arcades de l’ancienne voie ferrée de la Petite Ceinture. « La Vache Bleue », c’est le nom de ce collectif d’artistes, héberge plusieurs musiciens, plasticiens, poètes.

Chkoon avoue être inspiré par les cultures païennes, les cultures ancestrales, celle des indiens d’Amazonie, des animistes africains, des peintures rupestres des hommes préhistoriques. Toutes ces cultures, nous dit Chkoon, ont été dominées, étouffées par les trois grandes religions. Ces peuples vénéraient des divinités féminines, exprimaient leurs désirs de fécondité dans leurs sculptures et peintures. Et encore maintenant, d’après Chkoon, les populations d’Amazonie ou d’Afrique, si elles ont intégrés les grandes religions, portent toujours en elles leurs cultures ancestrales. C’est ce qu’il exprime dans ses tableaux. Il cherche un équilibre. Refusons l’hégémonie des grandes religions, intégrons-les, mais faisons aussi une place aux racines de l’humanité, aux premiers instincts de l’homme face à la nature et à la fécondité.


La Vache Bleue, collectif d'ateliers d'artistes
25, quai de l’Oise
75019 Paris

samedi 10 mars 2012

Jean-Philippe Brunaud

Dans le Ventre de la Baleine (ateliers d’artistes à Pantin en Seine-Saint-Denis), nous rencontrons Jean-Philippe Brunaud, artiste peintre. Il nous présente ses toiles de 2008 à 2012. Nous y voyons, pour les plus anciennes, des sujets familiers dans des environnements inquiétants, et pour les plus récentes, de magnifiques paysages de montagnes (qui peuvent aussi inspirer l’interrogation).

« Sans titre », acrylique sur toile, 2008, est un diptyque. Sur un fond bleu ciel, une fillette en jean, les mains sur les hanches, fait la moue. Les autres éléments, qui semblent flotter dans ce ciel, sont plus abstraits : une sorte de grand doigt peinturluré, des formes arrondies, dont une est composée de coulures bleu-vert. Sur la moitié supérieure du tableau, un trait vert serpente de droite à gauche. Jean-Philippe Brunaud nous explique sa démarche : « c’est le principe du ciel bleu. Il fait beau, mais en réalité, pas tant que ça. J’ai voulu placer des personnages, en lien avec la réalité, dans un monde organique assez étrange ».

« Elle tombe », acrylique et encre sur toile, 2009 : Occupant le centre de la toile, une masse noire avec des traces descendantes comme une cascade. En bas, des circonvolutions de matières, des coulures, des grosses touches de peintures. En haut, un vaste mouvement de pinceau couleur rose clair avec un éclair bleu. « La thématique, c’est l’explosion, nous explique l’artiste, je cherchais à rendre la puissance de l’explosion et du changement que cela peut opérer. A l’origine, il y a un champignon atomique au centre. J’avais une image qui était très puissante, mais je n’arrivais pas à retrouver cette puissance. Et à un moment donné, le champignon a disparu et il ne restait plus que les retombées. C’est pour cela qu’elle s’appelle « elle tombe ».

« Le principe de l’iceberg », acrylique et huile sur toile, 2009 : des éléments sont rassemblés en cercle. Nous voyons des formes organiques, des couleurs rouges et vertes, des anneaux, des aplats arrondis. En bas, un rond blanc lumineux trône sur une sorte d’écrin rouge. L’ensemble flotte dans un paysage psychédélique. Nous croyons voir des falaises sur les côtés du tableau. En haut, une ligne d’horizon et une terre lointaine. L’artiste commente cette toile : « De la série d’explosions, je suis arrivé à une petite série qui s’appelle « le principe de l’iceberg ». Il y a toujours le désir de parler de la puissance, de l’explosion. Les choses sont imbriquées les unes dans les autres, c’est organique. Il y a quelques éléments d’architecture, de science fiction, des formes anthropomorphiques. A chaque fois, sur ces toiles, le principe est le même : on a la partie extérieure en haut, le ciel, où il ne se passe pas grand chose. Tout ce qui est puissant se passe en dessous, c’est planqué. Ca a démarré avec une toile où la partie du ciel était un champignon atomique, l’image de la violence par excellence. Et en fait, la violence était vraiment en dessous ».

« Step by step », acrylique et huile sur toile, 2011. Une sorte de long couloir rouge marron, qui s’enfonce dans la toile. Le bout du couloir est dans l’ombre. Les parois sont illuminées, en aplats ocre, coulants, avec des masses rouge brillant au plafond. Au premier plan, une souche d’arbre nous barre le chemin. Jean-Philippe Brunaud explique qu’il a senti le besoin de « renouer avec l’espace tel qu’on le connaît, le paysage. Mais le paysage, cela passe par une série de tunnels. C’est une longue série que j’ai commencé il y a plus d’un an, qui s’appelle « In / Out ». Ce qui m’intéressait, c’était l’idée de ce qui est devant, de ce qui est derrière. De ce qui est avant, de ce qui est après. De la vie, de la mort. Tout un ensemble de choses avec l’idée d’un cheminement ».

« Arrivé là, je m’arrêtais », acrylique et huile sur toile, 2011, est un vaste paysage de montagnes qui forment l’horizon. Une rivière s’enfonce dans cette vallée. Il y a des couleurs très fortes : les montagnes sont peintes en blanc, bleu et vert acidulé. Le ciel est une sorte d’immense rideau vert et noir avec des taches rouges. Une toile originale, fortement structurée, avec la chaîne de montagne horizontale et les traits verticaux dans le ciel. L’artiste s’en explique : « Là où j’en suis aujourd’hui, avec cette série, qui vaut plus pour les paysages que pour les tunnels, c’est de l’ordre de quelque chose de caché, des paysages intérieurs, des univers perdus. L’invitation au voyage dont je parlais avec la perspective, elle est dans une sorte de quête. La quête passe par le voyage. La quête de quelque chose de perdu, que je cherche à retrouver et que j’invite à aller chercher. Pourquoi dans les montagnes ? Pour moi, c’est assez personnel. Cela a un sens par rapport à mon histoire. Si j’ai peint des montagnes, c’est parce que je cherchais une charge dans la peinture. Et cette charge, quand je suis à la montagne, je la sens très directement. Donc, c’était naturel. Je voulais sortir une puissance, la montagne en tant que paysage par rapport à la morne plaine ».

Que trouverons-nous dans ces paysages boisés et montagneux ? Où nous mènera cette marche spirituelle ? Les toiles de Jean-Philippe Brunaud sont une invitation au voyage, à la randonnée dans les montagnes, terres étrangères où nous nous retrouverons. Nous nous élevons mentalement en regardant ces lointains paysages. Notre esprit s’évade dans ces lieux inconnus et presque mystiques que nous avons hâte de découvrir.


Site Web : http://jphbrunaud.free.fr/

Le Ventre de la Baleine, ateliers d’artistes à Pantin (93) : www.labaleine.org

samedi 3 mars 2012

Sereirrof

Sereirrof, artiste peintre, expose actuellement à la galerie Schwab Beaubourg à Paris. Il montre, si c'était encore nécessaire, qu’une œuvre d'art mal finie, pas belle, permet une interprétation beaucoup plus ouverte et profonde de la part du spectateur. L’artiste expose des peintures à l’huile représentant des personnages, dans des environnements terriens et vibrants. Chaque tableau, avec son unité de ton, est une variation de gris colorés. Les sujets sont traités en grosses touches de peinture. Les personnages nous regardent gravement, et une connexion s’établit entre eux et nous.

« Salauds de pauvres 2 » (200 * 160 cm) est une toile avec deux personnages debout, grandeur nature. Nous croyons voir un homme et une femme aux cheveux blancs. Leurs vêtements semblent être des guenilles. Dans ce tableau, tout est « mal fichu » (au sens noble du terme, contrairement à un tableau bien fini et bien gentil). La peinture en grosse touche est « mal fichue ». Cela rend la toile difficile, profonde et réelle.

Avec « Salauds de pauvres 1 » (200 * 160 cm), nous voyons un homme et un enfant. L’homme nous regarde dans une attitude de tension, le poing fermé, la bouche et les yeux interrogateurs, presque menaçants. « Que faites-vous là ? », semble dire la toile au spectateur. « N’avez-vous pas autre chose à regarder ? Il y a tellement d’autres expositions plus simples, plus gaies, plus
faciles ».

« Salauds de pauvres 8 » (116 * 89 cm) est un personnage aux cheveux longs et hirsutes. Hirsutes comme les grosses touches de peinture. L'homme semble nous regarder, mais en est-on vraiment sûr ? Nous ne voyons pas ses yeux, il y a juste une ombre à leur place.

« Lazare » (110*110 cm) est un homme nu, assis dans une lumière terreuse. Nous distinguons mal son visage. D’ailleurs, en a-t-il un ? Il a une main levée comme pour nous implorer. Qui implorer d’autre que le spectateur, pour lui qui semble si seul dans sa toile ?

Les œuvres de Sereirrof s’adressent à nous d’un regard, sans parler. Les personnages sont coincés dans leurs univers de terres, d’ocres, de lumières blafardes. Ces toiles sont pauvres, pauvres des couleurs, pauvres des concepts artistiques. Mais elles ont une richesse intérieure. Elles sont remplies de sentiments, d’humanité. Le dessin non fini laisse voir l’intérieur, la vraie profondeur des personnages.


Edouard Schwab, gérant de la galerie Schwab Beaubourg, a bien voulu répondre à nos questions. Nous l’en remercions.


Comment choisissez-vous les artistes et les œuvres que vous exposez ?

« C’est une galerie toute nouvelle, inaugurée il y a huit mois. Au début, nous avons choisi nos artistes par le biais d’Internet. Nous avons passé en revue des milliers d’artistes sur différents sites, sur des galeries virtuelles. Nous avons choisi nos artistes en fonction de nos goûts : lorsque nous voyions des visuels qui nous plaisaient, nous essayions d’en savoir plus, de confirmer notre premier choix en rencontrant l’artiste, de visiter son atelier, et, si possible, de l’exposer.
Aujourd’hui, nous avons une identité, une ligne directrice qui se porte sur deux courants : l’abstraction lyrique et l’expressionnisme. Nous choisissons les artistes par rapport à ces deux courants. Le critère numéro un restant que leurs travaux nous plaisent. Nous mettons un point d’honneur à mettre en avant des artistes qui nous plaisent.


Combien faites-vous d’expositions par an ?

« Cela tourne entre huit et dix expositions, dont deux collectives. C’est encore en train de se mettre sur les rails.


Est-ce que vous participez aux foires et aux salons d’art ?

« C’est un objectif de la galerie. On ne peut pas faire tout et n’importe quoi. Il y a les très grandes foires qui sont encore inaccessibles pour nous. Il y a aussi des foires considérées dans le milieu comme étant bas de gamme : je pense qu’il ne faut pas qu’on y participe. Si on veut se donner l’image d’une galerie qui a une activité pérenne et qui veut vraiment s’implanter dans le marché de l’art, il y a certains salons à éviter.
Pour ce qui est des autres salons, le problème de l’ancienneté va se poser. Beaucoup de foires n’acceptent pas de galeries qui ont huit ou douze mois d’ancienneté. Il faut connaître les bonnes personnes, les rencontrer, essayer de faire du lobbying auprès des personnes qui font partie des comités de sélection.


Subissez-vous les effets de la crise économique ? A-t-elle une influence sur le type de clientèle que vous avez ?

« Comme je vous ai dit, c’est une galerie toute nouvelle. Il y a huit mois, nous étions déjà en pleine crise. Nous n’avons pas vu l’avant crise dans notre activité. Apparemment, les classes moyennes achètent moins. Pour les classes plus aisées, ce n’est pas un problème, d’autant plus que nos artistes sont très abordables pour cette classe là.
Le marché de l’art n’a pas vraiment connu la crise. Les grandes galeries continuent de faire des chiffres d’affaires mirobolants, et beaucoup de petites galeries ferment. Il faut donc avoir les reins solides, être patient et ne pas passer à coté de certaines opportunités. C’est aussi une année d’élection. Beaucoup de personnes attendent de savoir quelles seront les résultats de l’élection avant d’investir.



Exposition Sereirrof jusqu'au 24 mars 2012

Galerie Schwab Beaubourg
35, rue Quincampoix
75004 Paris
www.galerieschwabbeaubourg.com