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samedi 30 mars 2013

Marine Guizy et Chloé Bruhat

Marine Guizy et Chloé Bruhat sont photojournalistes. Elles ont exposé au 59 Rivoli des photographies prises lors d’un tour de France. Du Havre à Marseille en passant par l’Auvergne, le Tarn et la Bretagne, elles ont réalisé des séries de paysages et de portraits tous plus légers et rafraichissants les uns que les autres.

Douce France 



        Marine Guizy et Chloé Bruhat - Arcachon

Pendant un mois, en septembre 2012, elles ont fait un tour de France des campagnes et bords de mer et ont photographié les paysages et les habitants au hasard de leurs rencontres. 

Marine Guizy et Chloé Bruhat souhaitent montrer la vie, l’humanité, témoigner de la vibration et de l’émotion ressenties dans ces campagnes loin de la frénésie parisienne. Elles avouent être inspirées par les photographies de Sabine Weiss et de Gilles Caron.

A la galerie du 59 Rivoli, elles ont montré un reportage photographique sur les sœurs de la communauté Saint Jean en Picardie. Nous y voyons le contraste entre la vie spirituelle vouée au silence et les scènes de travaux quotidiens des sœurs qui tondent la pelouse ou ramassent les pommes de terre.  

La série « Salmigondis » est un ensemble de photos en noir et blanc montrant des pêcheurs, des vues campagnardes, des portraits souriants, des images détendues et ensoleillées. 

La série « Pâle » est composée de cinq tirages photo en couleur montrant des paysages laiteux sous un ciel de nuages. A chaque fois, la ligne d’horizon est très basse sur la photo, donnant plus de présence au ciel, plus de légèreté à l’image.

Après leur tour de France, Marine Guizy et Chloé Bruhat prévoient de voyager plus loin, à l’étranger. Cette fois, la préparation sera plus longue, et le recours au hasard plus délicat.


Marine Guizy & Chloé Bruhat (MGCB Photographie)
« Pérégrinations »
Exposition du 4 au 11 mars 2013
Galerie 59
59, rue de Rivoli
75001 Paris

samedi 23 mars 2013

Alina Szapocznikow

Alina Szapocznikow est une artiste polonaise née en 1926 et décédée en 1973. Le Centre Pompidou à Paris présente jusqu’au 20 mai 2013 une série de ses dessins, gravures et aquarelles. Ses œuvres montrent des formes organiques imprécises, des fragments de corps humains monstrueux, bizarres, malades.

Grand corps malade

Les dessins d’Alina Szapocznikow sont des esquisses. Sur chacun, elle trace en quelques traits le corps d’une personne. Un corps déformé, difficilement reconnaissable, avec des nombreuses excroissances comme des pans de chairs qui partent en lambeaux.

Elle est surtout connue pour ses sculptures en résine. Née en Pologne en 1926, elle est venue se former à l’école des beaux-arts de Paris en 1947. Elle est retournée en Pologne entre 1951 et 1962, date à laquelle elle revient définitivement à Paris. Elle a exposé à la biennale de Venise en 1962.

Alina Szapocznikow montre des corps défigurés par la maladie. Une maladie rendue visible grâce à l’art, seul moyen de l’exprimer et de la dédramatiser.

Ses dessins paraissent être des œuvres cubistes. Ils ne sont pas sans rappeler les corps déformés et vus sous plusieurs angles des personnages de Picasso.


dimanche 17 mars 2013

Meredyth Sparks


L’artiste américaine Meredyth Sparks expose à la galerie Frank Elbaz à Paris jusqu’au 30 mars 2013. Meredyth Sparks découpe des trous dans des toiles montées sur châssis, de sorte que ceux-ci deviennent visibles. Il en résulte pour le spectateur une inquiétante impression d’oubli du passé et de nostalgie. 

L’art d’oublier

Meredyth Sparks

La galerie Frank Elbaz expose un grand paravent qui se déplie le long de la salle. Il est constitué de plusieurs cloisons de bois recouvertes de toiles imprimées. D’un côté du paravent se trouvent les images d’une émission télévisée de 1983 dans laquelle une chanteuse, Bette Midler, interprète une chanson des Rolling Stones. Ces images sont percées de multiples trous carrés laissant voir à travers le paravent.

S’ajoutant aux images, une musique lente, presque mortuaire, se fait entendre. A la vue de ces vielles photographies des années 1980, nous ressentons de la tristesse. Ces toiles découpées, immobiles, évoquent la nostalgie d’un passé incomplet. Nous croyons vieillir et oublier une partie de notre environnement. Nous pensons aux travaux de Christian Boltanski en voyant cette installation de Meredyth Sparks, oppressante et inquiétante.

Meredyth Sparks est née aux Etats-Unis en 1972. Elle s’inspire de la musique underground et punk. Ses œuvres sont des installations prenant pour sujet différents chanteurs et groupes des années 70 et 80.

Les autres pièces exposées à la galerie Franck Elbaz sont des toiles imprimées montées sur châssis représentant des intérieurs de maisons. Les châssis sont visibles car l’artiste a découpé les toiles selon des espaces qui correspondent aux ouvertures dans les images. Il s’agit par exemple des espaces horizontaux formés par des stores devant une fenêtre.

Derrière nous sur le mur du fond pendent des lambeaux de toiles. Ils proviennent d’une photographie de paravent en bois. La partie qui reste après découpage est une série de rectangles mous, flasques, presque liquides. Comme notre mémoire que nous perdons en vieillissant. 

Meredyth Sparks
"Accordion"
Jusqu'au 30 mars 2013

Galerie Frank Elbaz
66, rue de Turenne
75003 Paris

dimanche 10 mars 2013

Julio Le Parc


Formule couleur

La galerie Bugada et Cargnel, située dans le 19ème arrondissement de Paris, présente des toiles de Julio Le Parc jusqu’au 13 avril 2013. Il s’agit d’une série de tableaux commencée en 1970 intitulée « surface – couleur ». Les toiles colorées sont formulées selon des règles de composition très précises. 

Julio Le Parc est argentin. Il est âgé de 84 ans. Dans les années 1960, à Paris, il a été le promoteur d’un art engagé et collectif luttant contre les formes de peinture traditionnelles qui font la part belle à l’originalité et à l’individualité de l’artiste. Il a fondé en 1960 le GRAV, le « groupe de recherche d’art visuel », avec les argentins Horacio Garcia-Rossi et Francisco Sobrino et les français François Morellet, Joël Stein et Yvaral.

Pour Julio Le Parc, l’art doit s’adapter au monde moderne et proposer au spectateur des expériences innovantes. Avec ses des peintures, sculptures, mobiles et installations de lumière, il créé des œuvres instables qui semblent bouger selon les déplacements des spectateurs. 

En 1966, il obtient le grand prix de la biennale de Venise. C’est la consécration de l’ « op art », l’art optique. Le GRAV est dissous en 1968, mais les travaux de Julio Le Parc deviennent encore plus politique, critiquant l’impérialisme américain et le militarisme. Il refuse en 1972 l’invitation à exposer au musée d’art moderne de la ville de Paris en jouant sa participation à pile ou face. 

A la galerie Bugada et Cargnel, nous voyons des tableaux abstraits colorés, des formes géométriques nettement délimitées. Les couleurs sont très fortes, très saturées, et donnent à l’ensemble un caractère violent et agressif. Julio Le Parc semble vouloir faire entrer dans ses toiles plus de choses qu’elles ne peuvent en contenir.

Les œuvres de Julio Le Parc nous envahissent comme le numérique et les écrans envahissent notre vie. Ses touches de couleur sont des pixels de peinture. A s’approcher trop près, à regarder trop longtemps les toiles, nous risquons de nous abîmer les yeux. 


Virginie Barbier, directrice de la galerie Bugada et Cargnel, a bien voulu répondre à nos questions. Nous l’en remercions.

Nicolas Goulette : Les œuvres exposées sont très colorées, très saturées. Est-ce que les couleurs ne sont pas trop saturées ?


Virginie Barbier : C’est une série que Julio Le Parc a élaboré dès 1958. La série s’appelle « surface - couleur ». Julio Le Parc faisait des recherches sur la couleur et le plan des toiles. Il a mis en place un système très rigoureux de combinaisons numérotées. Il a défini quatorze couleurs du spectre chromatique qu’il peut combiner. Julio Le Parc souhaite éliminer toute trace de composition subjective en utilisant un système unitaire dépendant d'un programme déterminé afin de régir la surface, les formes et leur relation au plan. Cela n'a rien d'aléatoire et vise à augmenter la distance entre l'artiste et l'œuvre (contrairement à Victor Vasarely, par exemple, qui revendiquait le droit d'intervenir et d'exprimer la personnalité créatrice de l'artiste).

Il  a calculé que pour réaliser à la gouache les variations résultant d'un seul système et au rythme de deux jours par gouache, il lui aurait fallu 150 ans pour exécuter toutes les combinaisons.

NG : Comment vous avez choisi ces toiles ? 


VB : C'est Julio Le Parc lui-même qui a décidé de mettre à l'honneur la « Couleur » comme le titre de notre exposition l'indique. Il a opéré un choix de quinze toiles de la série «surface - couleur » et d'un ensemble sculptural coloré pour cette exposition.

Il y a une très grosse rétrospective de Julio Le Parc sur 2000 m² au Palais de Tokyo en ce moment. Grâce à ses espaces incroyables, le Palais de Tokyo fait la part belle aux œuvres monumentales et environnements de l'artiste. Les toiles de la série « surface - couleur » y sont moins présentes mais on peut y retrouver une toile monumentale, « Longue marche » (1974, 200 x 2000 cm), et une salle regroupant quelques cibles.

A la galerie, nous avons des toiles de cette série en grand format. Celles du fond (de la galerie) qui font trois mètres sont des toiles anciennes qui datent des années 1970. Et puis  il y a un mélange avec des œuvres plus récentes : les « cibles » sont datées de 2012 ou plus précisément bi-datées 1970-2012.

NG : Il a fait aussi des œuvres moins colorées. 

VB : Oui, il a fait des toiles qui sont noires et blanches mais d’une autre série, intitulée « modulation ». Et d’ailleurs au tout début de ses recherches sur la toile, le plan et les combinaisons en 1958, Julio avait commencé avec des teintes que l’on appelle des non couleurs, le gris, le noir et le blanc. Et en 1959, il a décidé d’étendre ses recherches avec la couleur. 

NG : Il était quand même assez libertaire et anti institutions au début. 

VB : Il l’est toujours, c’est un artiste très engagé. 

NG : Pourquoi a-t-il accepté d’exposer en galerie ? 

VB : Il a toujours exposé en galerie. Julio n’est pas vraiment contre le circuit commercial mais plutôt contre le circuit institutionnel. Pour Julio, l’œuvre se suffit à elle-même. Les aspects littéraires, ce que l’on peut écrire sur ses œuvres à côté, ce sont des plus, des ajouts, mais cela ne doit pas servir l’œuvre. Quand le spectateur arrive devant une œuvre de Julio, il est censé l’apprécier à sa juste valeur et la saisir dans l’instant. Pour l’art conceptuel d’aujourd’hui, on a besoin de beaucoup de textes pour expliciter les œuvres. Ce n’est pas du tout le cas de Julio Le Parc. 

On a beaucoup parlé de Julio et de son art engagé anti institutionnel parce que son exposition au musée d’art moderne il y a trente ans s’est jouée sur une pièce à pile ou face. Il a décidé de ne pas exposer. C’est pour prouver aussi qu’il n’est pas lié et soumis à ces institutions. Son œuvre perdure, continue. Il vit et créé par lui-même dans son atelier. Il a 84 ans mais il n’a jamais cessé de créer. 

Il a une production actuelle comme le montre les toiles datées de 2012-2013. C’est une façon aussi de dire qu’un courant marquant et emblématique de l’histoire de l’art n’a pas forcément besoin du support assidu des institutions pour perdurer et survivre. C’est un très bel exemple. 


Galerie Bugada et Cargnel
7-9, rue de l'Équerre
75019 Paris

Julio Le Parc
« Couleurs »
Exposition jusqu'au 13 avril 2013

dimanche 3 mars 2013

Stéphane Dafflon


La peinture par la bande

Le 22 février 2013 avait lieu le vernissage de l’exposition de Stéphane Dafflon à la galerie Air de Paris. Stéphane Dafflon est né en 1972 en Suisse. Il joue avec le blanc des toiles et des murs. Le blanc du fond est son véritable sujet. En l’entourant de traits de peintures, il en fait une œuvre.

Dans la première pièce de la galerie se trouvent des toiles entourées de bordures formant des cadres gais et humoristiques. Jusqu’ici, rien de nouveau. Mais ce qui est étonnant, c’est que l’artiste a également peint des bandes colorées sur les murs. Nous y voyons une sorte d’encadrement d’un travail virtuel.

Les bordures sont appliquées avec une telle minutie que l’on s’appuie sur une solidité sans faille en regardant l’exposition. C’est le signe d’un professionnalisme rigoureux et rafraîchissant. 

« AST 216 » (AST comme acrylique sur toile) est une grande toile entourée d’une bordure multicolore : jaune citron, vert « herbe », bleu profond. Le mur sur lequel est accroché le tableau résonne avec celui-ci. De sorte qu’on peut imaginer qu’il n’y a qu’un cadre coloré. Et que nous regardons le mur lorsque nous regardons la toile. 

« AST 217 » est verticale. C’est un passage qui s’ouvre sur un espace blanc. Les œuvres de Stéphane Dafflon semblent s’ouvrir sur un espace, une profondeur à travers le mur. 

Continuons notre visite dans les autres salles de la galerie. Il y en a quatre. Deuxième salle, « AST 220 », puis troisième salle, « AST 221 ». Ces toiles sont toujours blanches. Les liserés colorés sont toujours présents mais ils ne sont pas cantonnés aux bords. L’artiste a lancé les traits de peinture au travers des tableaux, les coupant en deux ou en trois.

L’exposition fait la part belle au blanc. Blanc des toiles, blanc des murs révélé par leurs bordures colorées. Le travail de peinture est très pointu, très fini. Les bandes sont impeccablement droites. Les aplats de couleurs, uniformes, sont presque industriels. Dans la première salle, les tableaux ont plus de présence que les murs car les bordures de ceux-ci sont pâles. Mais quand on avance dans l’exposition, les murs prennent de plus en plus de pouvoir, jusque dans la quatrième salle, la plus grande, la plus vide en ce soir de vernissage, où il y a le moins de tableaux. Ici, ce sont les toiles qui ont les liserés pâles et les murs qui possèdent les véritables cadres. 


Stéphane Dafflon
Du 22 février au 6 avril 2013

Galerie Air de Paris
32, rue Louise Weiss
75013 Paris