nicolasgoulette@yahoo.com

mercredi 10 décembre 2014

Ken et Julia Yonetani

Dans un monde hors du temps, les oeuvres d'art seront fossilisées. Les peintures perdront leurs couleurs. L'abbaye de Maubuisson dans le Val d'Oise expose jusqu'au 30 août 2015 le travail de Ken et Julia Yonetani. Ces sculpteurs réalisent des reproductions en sel d'objets. Ils les mettent en scène dans une vision pessimiste et figée de l'avenir.

Art desséché

« The Last Supper (La Cène) »
Sel
900 x 72 x 125 cm
2014

« The last supper », composée de moulages en sel d’aliments, évoque la peinture de la Cène par Léonard de Vinci. Ken et Julia Yonetani, en montrant la dessiccation d’une œuvre, parlent de la dégradation et de l’assèchement de notre environnement.

« The five senses » montre cinq cadres en sel accrochés aux murs. Ces cadres ne contiennent aucune toile. On voit le mur à travers. Ken et Julia Yonetani se réapproprient la façon d’encadrer les œuvres du passé. Ils reprennent les caractéristiques des arts classiques.

Avec cette exposition, les œuvres d’art sont fouillées, disséquées. Notre façon de les regarder est analysée comme des fouilles archéologiques. Le cadre de l’abbaye de Maubuisson aide à cette démarche car ses murs eux-mêmes interrogent l’histoire des lieux d’art.

Ken et Julia Yonetani
« Un autre rêve »
Jusqu'au 30 août 2015

Abbaye de Maubuisson
avenue Richard de Tour
95310 Saint-Ouen l'Aumône

jeudi 13 novembre 2014

Mokrane Segueni

Les tableaux de Mokrane Segueni nous regardent. Mokrane Segueni peint des acteurs ou des malfaiteurs pris en photo par la police. Ses personnages nous regardent et nous disent : « C'est comme cela. On ne peut pas y échapper ». Mokrane Segueni nous a reçu dans son atelier de Pantin en Seine-Saint-Denis en octobre 2014.

Regarde-moi

« Giancarlo Esposito »
Huile sur toile
81 x 65 cm


Nicolas Goulette : Dans tes tableaux, les personnages regardent fièrement le spectateur. Tu as voulu faire des regards forts et fiers ? Qu'est ce qui t'as plu dans ces regards qui fixent le spectateur ?

Mokrane Segueni : Ce sont des vrais regards. On voit tout dans le regard. Le regard ne ment pas. Quand tu regardes vraiment quelqu'un, des fois, cela gêne les gens. Donc c'est difficile de regarder. Et c'est pourtant un acte simple. Simplement voir la vérité. Tu regardes les gens. Souvent les gens ont du mal à regarder.


Nicolas Goulette : Dans le portrait de Giancarlo Esposito, chaque muscle est en tension.

Mokrane Segueni : J'aimerais arriver à une maîtrise, jusqu’à l'hyper réalisme. Je suis époustouflé par certains peintres. Tu sais que c'est de la peinture. Ce n'est pas une photo. Et pourtant, ce n'est pas du copier-coller. C'est autre chose. Ca, cela me plait bien.


Nicolas Goulette : Tes portraits montrent des hommes qu'on a pris en photo, ou qu'on a filmés, et que tu reproduis encore en peinture. Tu as envie de refaire vivre une photo qui fait déjà vivre quelqu'un ?

Mokrane Segueni : J'ai envie de la refaire vivre parce que c'est mon interprétation. Je pense que la peinture apporte autre chose. En repeignant un sujet, je pense que j'amène de l'âme. Je pense que je m’insinue dans la peinture. Je me distille dans le portrait. Le travail, il est dans le fait de donner une partie d'âme à la personne. Des fois ça fonctionne, des fois ça ne fonctionne pas.

mercredi 1 octobre 2014

Laure Prouvost

Laure Prouvost expose à la galerie Obadia à Paris jusqu'au 31/10/2014. Le spectateur est invité à construire sa propre histoire à partir de la trame proposée par Laure Prouvost sur les rêves de sa grand-mère.

Fan de séries

Laure Prouvost
Installation view, Galerie Nathalie Obadia, Cloître Saint-Merri, Paris
2014

Avec sa « Maquette for Grand Dad's visitor center », Laure Prouvost a construit un musée en miniature avec des armatures metalliques. Les écriteaux indiquent l'emplacement des portes et des fenêtres. Le spectateur construit mentalement l'immeuble, l'imagine et joue avec.

A deux niveaux au moins, l'artiste met en scène les imaginaires. Toute l'exposition est axée sur les rêves d'une grand-mère mise en scène. Le texte de présentation fourni par la galerie Obadia présente le personnage de la grand-mère qui rêve au retour de son mari.

En nous parlant des attentes de sa grand-mère, Laure Prouvost écrit un scénario. Cette exposition est le décor de fond d'une série dans laquelle le spectateur imagine une histoire. Ce travail, plus littéraire qu'esthétique, construit un horizon d'attente pour le spectateur.


Laure Prouvost
« This is the visit »
Jusqu'au 31 octobre 2014

Galerie Nathalie Obadia
18 rue du Bourg-Tibourg
75004 Paris

samedi 6 septembre 2014

YZ

YZ est une artiste de rue qui, après avoir peint sur les immeubles, représente maintenant les façades dans ses tableaux. Elle expose à la galerie Magda Danysz à Paris jusqu'au 26 septembre 2014. Dans les bâtiments peints par YZ, il n'y a pas de présence humaine. Les portes sont fermées et personne ne peut entrer.

Street art conceptuel

« LITC SHOREDITCH 4, 2014 »
Encre et papier sur bois
120 x 155 cm

Avec « LITC MAYFAIR 11, 2014 » (encre et papier sur bois), les fenêtres sont dessinées en série comme un travail à la chaîne. Il n'y a pas de place à la fantaisie ou à l'improvisation.

Les tableaux de YZ montrent des immeubles gris et mornes que l'on verrait dans un rêve. Seules les fenêtres peuvent prêter à évasion. On y devine le reflet d'un univers qui se situerait derrière nous. Le reflet du monde réel, celui du spectateur. Nous imaginons la ville, les maisons, les toits, les arbres.


YZ
« A London adventure »
Jusqu'au 26 septembre 2014

Galerie Magda Danysz
78, rue Amelot Paris 11

mardi 26 août 2014

Larry

Larry travaille aux « Frigos » dans le 13eme arrondissement de Paris. Il peint sur des panneaux de bois des phallus et des carpes à taille humaine. Pour lui les deux sont liés. Ils sont les deux faces du panneau que l’on retourne selon sa volonté.

Avec ses « envergures », Larry peint bras tendu des formes circulaires qui délimitent l'espace jusqu'où le peintre a accès pour peindre.

Site web : http://dominiquelarrivaz.com


« 6 minutes avec un artiste (Larry) »
vidéo 6'34''
2014
réalisée par Aglaya Muravlov en collaboration avec Nicolas Goulette

mercredi 6 août 2014

L'art des Super-Héros

Le musée « Art ludique » à Paris présente jusqu'au 31 août 2014 une exposition sur les super-héros. Nous y voyons des planches de bandes dessinées sur Spiderman, Daredevil et autre Captain America. Chaque super-héros est peint de façon à être reconnaissable entre tous.

Art classique moderne

Couverture originale « The Thanos imperative : Ignition n°1 »
Aleksi Briclot
2010
Peinture numérique

Sur la couverture originale de « The Thanos imperative : Ignition n°1 » par Aleksi Briclot (peinture numérique, 2010), un visage surplombe une planète de lave en éruption. Les images des super-héros sont faites de tensions et de contrastes. La couleur est omniprésente notamment pour le costume qui donne son identité au héros.

Sur la « couverture originale Daredevil n° 500 » par Alex Ross (dessin acrylique, 2009), le héros a la bouche ouverte et est en train de crier. Les super-héros sont toujours représentés à des moments dramatiques en train de se battre.

Avec « Guardians of the Galaxy vol 3 n° 5 p.20 » de Sara Pichelli (dessin numérique, 2013), un géant est assis sur un trône de pierre. Devant lui se tient un homme en costume noir avec une arme à la main. Les dessinateurs de super-héros jouent des contrastes entre noir et blanc. C'est le sujet qui importe plus que la technique de dessin qui, elle, reste très classique.


L’art des Super-Héros Marvel
jusqu’au 31 août 2014

Art Ludique-Le Musée
34, quai d'Austerlitz
75013 Paris

vendredi 25 juillet 2014

Le 6b

Depuis 2010, 140 artistes occupent l'ancien siège social d'Alstom à Saint-Denis (93). Baptisé le 6b, l'immeuble se trouve en plein cœur d'un quartier en reconstruction. Les résidents, des plasticiens, des graphistes, des compagnies de danse, cherchent à pérenniser ce lieu. Le propriétaire, le groupe Brémond, est le promoteur qui rénove le quartier.

La façade du 6b avec les « totems » du sculpteur colombien Raul Cortes Castaneda


3 questions à Julien Beller, fondateur et président de l'association le 6b :

Nicolas Goulette : Pourquoi cela s'appelle le 6b ?

Julien Beller : En fait, l'adresse, c'est 6-10 quai de Seine. Au début, quand je négociais avec quelqu'un de chez Alstom, j'avais compris 6 bis. Du coup, au moment de la fondation de l'association, les gens pensaient que c'était 6 bis. Et on a dit 6b.


Nicolas Goulette : J'ai entendu dire que l'immeuble était classé monument historique.

Julien Beller : Non, il n'a jamais été classé. Par contre il est inventorié. Il est à un endroit où on dit que c'est du patrimoine industriel. On ne peut pas faire n'importe quoi sur la façade. Mais ce n'est pas un immeuble classé au patrimoine.


Nicolas Goulette : Quel est l'avenir du lieu ? Cela va se rénover ? Les loyers vont-ils être plus chers ?

Julien Beller : La question se joue dans deux ou trois ans quand le quartier sera rénové autour. Il faudra rénover ce bâtiment. Le propriétaire a prévu d'investir de l'argent dans ce bâtiment : 7 millions d'euros. Le problème est que, si il investit seul, cela fera 700 000 euros de loyer par an. C'est trop cher pour nous. Aujourd'hui, c'est 11 euros du mètre carré mensuel pour nos résidents toutes charges comprises : camion, espaces communs et accompagnement. On a dix salariés. Passer à 700 000 euros de loyer, cela ne sera pas possible. Ce qu'on est en train de faire, c'est de réunir des partenaires autour de la table et leur dire : bon, vous voulez quoi ? Soit il faut payer 700 000 euros de loyer et ce sera plutôt sur le modèle d'une pépinière d'entreprises avec des gens qui sont capables de payer 25 euros du mètre carré mensuel. Soit cela restera un terreau d'émergence, d'informel, de rencontres, de sociabilité, etc. Et là il faut de l'argent public. Elle est simple, l'équation.


Le 6b
6-10 quai de Seine
93200 Saint-Denis

http://www.le6b.fr

vendredi 18 juillet 2014

Martial Raysse

Martial Raysse est né en 1936. Le Centre Pompidou à Paris lui consacre une rétrospective jusqu’au 22 septembre 2014. Martial Raysse, dans les années 1960, a réalisé des tableaux fait de toiles découpées et de luminaires.

Faux tableaux, vrai artiste

« Spring Morning »
1964
Huile sur toile, feuillage artificiel et néon
130 x 95,5 cm

Avec « Spring Morning », Martial Raysse utilise ses propres matériaux pour créer une œuvre qui rayonne et qui brille. Dans un coin du tableau, un néon illumine l’environnement. « Spring Morning » est composé d’une étendue de peinture verte et de feuilles factices. Les feuilles apportent de la fraicheur et de la sérénité.

Le sujet est donc bien réel. La guirlande de feuilles n’est pas peinte. Ce n’est pas une peinture de végétation, le coin de la toile est découpé, mais c’est bien une œuvre d’art.

Martial Raysse tourne en dérision l’histoire de la peinture. Il a fait une série de tableaux composés de deux toiles mises l’une au-dessus de l’autre. Avec Martial Raysse, le spectateur est soumis à un contraste entre deux plans, deux surfaces de tableaux qui se chevauchent.


Martial Raysse
jusqu’au 22 septembre 2014

Centre Pompidou
Paris

mardi 17 juin 2014

Leo et Guillermo

Je ne suis jamais allé au Paraguay. Pourtant ce 14 juin 2014, lors des portes ouvertes des ateliers d'artistes du Pré Saint-Gervais (93), j'ai pu voir les toiles de Leo et Guillermo qui racontent ce pays. Ces deux peintres réalisent ensemble des peintures à l'acrylique montrant les personnages du Paraguay. L'ambiance transparaît dans ces toiles peintes à quatre mains : les vendeurs de chipa (le pain local), les buveurs de maté, les étals de fruits, les chemises traditionnelles, les odeurs des barbecues, la moiteur de l'atmosphère.

Artisanat populaire paraguayen

« Le pêcheur de la baie d’Asunción »
Acrylique sur toile

Le « pêcheur de la baie d’Asunción » montre un homme au chapeau bleu et aux poissons multicolores. Cette toile joue un drame avec ce fond marron qui prend la moitié de la toile jusqu'à l'envahir. C'est comme une métaphore de cette culture populaire menacée par la mondialisation qui uniformise les modes de vie.

Les personnages de Leo et Guillermo semblent sortir d'un conte ou d'un roman de Gabriel Garcia Márquez. La vie bouillonne dans leurs tableaux. Une vie chaude avec des regards qui se croisent. Les personnages, vus de profil, se répondent d'une toile à l'autre.

Leo et Guillermo exposeront de nouveau, du 30 juin au 12 juillet 2014, à la galerie « Beauté du Matin Calme » à Paris.


Leo et Guillermo
Exposition du 30 juin au 12 juillet 2014

Galerie Beauté du Matin Calme
54, Avenue de la Motte-Picquet
75015 Paris

mardi 10 juin 2014

Esther Ferrer

En allant voir au MAC/VAL les œuvres d'Esther Ferrer, espagnole et anarchiste, on s'attendait à une énergie, un échange, une rencontre avec le public. Mais dans cette salle du MAC/VAL, musée d'art contemporain situé à Vitry sur Seine dans le Val de Marne, les photos d'Esther Ferrer sont absorbées par la blancheur des murs. Née en 1937, Esther Ferrer a réalisé des performances et des installations. Elle expose jusqu'au 13 juillet 2014 à Vitry sur Seine. Les séries d'autoportraits qu'elle expose tendent vers le blanc jusqu'à se diluer dans les murs.

Plus blanc que blanc


« Dans le cadre de l'art » est une installation. L'artiste a placé un miroir sur un mur et des lettres inversées sur le mur d'en face. Entre les deux se trouve un cadre doré. On voit donc les lettres qui se reflètent dans le miroir et qui sont entourées par ce cadre. Esther Ferrer semble se moquer des cadres des peintures classiques. La prochaine fois elle pourra se moquer des séries de photos mises sous verre et alignées le long d'un mur. C’est justement ce qu’on voit le plus dans cette exposition.

« Regarde-moi ou regarde-toi avec d'autres yeux » est une autre installation. Des lunettes sont accrochées à des chainettes. Les spectateurs peuvent les porter : il s'agit de regarder un portrait d'Esther Ferrer. Le spectateur peut aussi se regarder dans un miroir. Il y a même une paire de jumelles avec laquelle on peut voir le reste de l'exposition qui est éloigné compte tenu des dimensions de la salle du MAC/VAL. C’est une exposition qui parait perdue sous la hauteur de plafond de ce cube blanc. Trop haut, trop grand, trop blanc.


Esther Ferrer
« Face B. Image / Autoportrait »
jusqu'au 13 juillet 2014

MAC/VAL
Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
Place de la Libération
94400 Vitry-sur-Seine

samedi 31 mai 2014

Gérard Stricher

Gérard Stricher expose jusqu'au 20 juillet 2014 à la galerie Mézières à Auvers-sur-Oise (Val d'Oise). Avec son art, Gérard Stricher nous plonge dans un bouillonnement de vie, une peinture en fusion, un mélange de lutte contre la matière et de pop art.

Attention, c'est chaud

« L'homme qui pensait »
Huile sur toile
146 x 114 cm

Les peintures de Gérard Stricher sont comme des jouets aux couleurs qui brillent. Ces couleurs sont mélangées avec de la peinture plus rocailleuse. Des mouvements en blanc traversent les toiles et apportent lumière et calme.

Les touches de peinture fournissent la troisième dimension aux tableaux. Par endroit, l'épaisseur est telle que cela accentue la profondeur de l'arrière-plan.

Les formes semblent fondre sous l'effet de la chaleur dans les tableaux de Gérard Stricher. Si l'ensemble bouillonne et vit intensément, le fond marron que l'on aperçoit dans les coins apaise et donne une assise aux tableaux.

Dans « l'homme qui pensait », on voit une tête. On reconnait des yeux noirs et une bouche rouge. Le bleu donne de la fraicheur au milieu de cette lave en fusion.


Gérard Stricher
jusqu'au 20 juillet 2014

Galerie Mézières
45, rue Rémy
95430 Auvers-sur-Oise

mardi 13 mai 2014

L'art alternatif

Le 2 octobre 2012, après la fermeture du squat du Tacheles à Berlin, le Journal International expliquait qu'il s'agissait de « la fin d'une époque alternative dans la capitale allemande. » ( Disponible sur : http://www.lejournalinternational.fr/La-fin-de-l-art-alternatif-berlinois_a145.html ) Existe-t-il un art alternatif aux institutions ? L'art que l'on voit dans les squats d’artistes a-t-il quelque chose de différent ? Y a-t-il une esthétique qui va contre le système marchand ?

Peu d'artistes ont cette démarche. Ceux qui se placent dans la continuité de Guy Debord et de l'internationale situationniste sont rares. Ils ont pourtant un regard critique sur le fonctionnement des galeries et de leurs écuries d’artistes. Il est difficile de trouver une définition de l'art alternatif. L'adjectif alternatif est utilisé pour qualifier quelque chose qui s'oppose à une thèse. Encore faut-il définir cette thèse à laquelle s'opposerait l'art alternatif. On en trouve un exemple chez Marion Guillot. Elle a étudié l'art contemporain roumain après la révolution de 1989 :

« Dans toute cette étude, il sera confondu la notion d'art contemporain et d'art alternatif. L'art alternatif a alors un signifiant qui comprend la notion de différence et un signifié qui englobe la notion d'immédiateté. Il est alors un syntagme de l'art contemporain "de notre temps". La discipline importe peu, tout comme les supports, par contre le message de l'artiste doit être en rupture totale avec la période précédente. » ( Marion GUILLOT : « Les conditions d'émergence des nouvelles générations d'artistes roumains : de la révolution à nos jours. » Mémoire de fin d’étude. Paris : ESARTS Ecole Supérieure de Gestion et Médiation des Arts, 2005, 154p. )

Une piste de recherche pour cadrer l'art alternatif consiste à étudier le lieu où il est fait. On pourrait alors chercher des espaces alternatifs qui s'opposeraient aux murs blancs des musées et des galeries. A défaut d'esthétique alternative, il est plus facile de trouver des ateliers alternatifs. Cristelle Terroni a analysé les lieux d'art new yorkais :

«Plusieurs facteurs expliquent que les espaces alternatifs ne ressemblent pas aux volumes blancs des galeries (...). Il y a tout d'abord la contrainte économique (...). Mais la nature brute des lieux est par la suite préservée comme faisant partie intégrante d'une esthétique revendiquée par certains artistes, dont les installations s'attaquent directement à l'espace mis à leur disposition. » ( Cristelle TERRONI : « Essor et déclin des espaces alternatifs. » Disponible sur : http://www.laviedesidees.fr/Essor-et-declin-des-espaces.html )

En fait, les meilleures pistes de recherche de l'art alternatif se trouvent dans l'histoire de l'art. Le 19ème siècle regorge de formes d'art qui se voulaient ouvert au plus grand nombre en opposition à un art élitiste. Prenons l'exemple de Gustave Courbet avec l’article de Thomas Schlesser ( Thomas SCHLESSER : « Le réalisme de Courbet. De la démocratie dans l’art à l’anarchie. » Disponible sur : http://imagesrevues.revues.org/322 ) :

« Courbet développe plus avant l'opposition entre la dimension démocratique du réalisme et la dimension aristocratique de l'idéal en relevant deux fonctionnements contraires dans la réception : un premier que l'on pourrait qualifier de vertical (ou immanent) et un second que l'on pourrait qualifier de vertical (ou transcendant). En parlant "d'effort" individuel permettant au peuple "d'être instruit" (...), Courbet semble situer le réalisme au niveau du peuple afin d'en favoriser l'émancipation par la prise de conscience. Il y a là une immanence évidente où sont placés sur un même plan la production picturale et sa réception critique. L'idéal fonctionne au contraire sur un mode transcendantal et, par conséquent, religieux. »

Au fond l'art alternatif est très relatif. On peut même dire que tout art est alternatif à quelque chose. Le photographe Vulù ( http://www.vulu.book.fr ) occupait le squat Le Bloc dans le 19ème arrondissement de Paris en 2013. A la question « votre art est-il alternatif ? », Vulù répondait : « Oui, la distinction alternative peut s’appliquer pour mon art dans le sens où, à l’ère où la tendance se veut conceptuelle et abstraite, moi je suis très figuratif. »


lundi 21 avril 2014

Véronique Lonchamp

Véronique Lonchamp sculpte des personnages d’une vingtaine de centimètres de haut. Leur mise en scène fait que l’on imagine des volumes, des souffles, des mouvements. Véronique Lonchamp vit et travaille à Paris. Elle nous a reçus en avril 2014.

Gros volumes

« Le plongeoir » - bronze - hauteur : 75 cm

Nicolas Goulette : Tu veux faire des grands espaces dans tes sculptures ?

Véronique Lonchamp : C’est à l’intérieur de moi que j’ai envie de faire des grands espaces. Je m’imagine dans la nature, dans un espace qui n’est pas clos. Je fais des sculptures en bronze, assez lourdes, mais qui s’élèvent dans l’espace.

Je vois une chorégraphie, une danse, dans tes sculptures. C’est ce que tu as voulu exprimer ?

J’ai fait beaucoup de danse quand j’étais plus jeune. Avec peu de choses, on donne un geste, une indication de ce qu’on est. J’aime bien jouer avec le corps, sa gravité, sa souplesse. On doit pouvoir discuter avec les sculptures.

Quels artistes t’ont inspirés ?

Des artistes du domaine de l’écriture, de la danse, des voyages. J’aime énormément Marino Marini, Rodin, Chillida, Giacometti. Je ne suis pas dans leurs traces. Je cherche ma trace à l’intérieur. Je tâtonne.


Les prochaines expositions de Véronique Lonchamp auront lieu à Saint Brieuc, à Bergerac et à Valence.

Site web : http://veroniquelonchamp.fr

samedi 12 avril 2014

Kôichi Kurita

Prendre des poignées de terre et les exposer dans des coupelles. C’est ce que tente Kôichi Kurita à l’abbaye de Maubuisson (Val d’Oise) jusqu’au 5 octobre 2014. Né au Japon en 1962, Kôichi Kurita dispose ses coupelles en rond, comme la Terre.

Travail de la terre

« lune_eau_terre_soleil »
2014
108 terres du Japon, eau de Maubuisson, coupelles de verre, bois
Ø 4, 50 m
photo Catherine Brossais
© conseil général du Val d’Oise / courtesy de l’artiste Kôichi Kurita

Kôichi Kurita expose notamment un flacon de terre de Fukushima. Cela évoque la mort, la perte de la pureté du sol, la pollution du nucléaire. La brochure de l’abbaye indique que la collecte a eu lieu avant le séisme. Un flacon contenant de la terre peut effectivement être vu comme une œuvre d’art. Avec l’étiquette « Soil of Fukushima » dessus, la catastrophe de 2011 vient à l'esprit.

Dans la « salle des religieuses », Kôichi Kurita a placé 1000 carrés de terre sur des feuilles de papier. Ce travail résonne avec la pierre des piliers et des murs. Les couleurs des terres donnent un peu de vie à ce travail minéral.

Dans la « salle du parloir », Kurita a réalisé une installation minimaliste. « lune_eau_terre_soleil » consiste en 108 coupelles de terre disposées en cercle autour du pilier. Le cercle apporte une dimension spirituelle et évoque le cosmos, de la même façon que la salle de l’abbaye possède une dimension religieuse.

Kôichi Kurita marche et arpente les chemins. Il foule au pied la terre. Il ramène de ses voyages des échantillons de terre, comme d’autres des cailloux.


Kôichi Kurita
« Mille terres mille vies »
jusqu'au 5 octobre 2014

Abbaye de Maubuisson
avenue Richard de Tour
95310 Saint-Ouen l’Aumône

dimanche 6 avril 2014

Capucine Hummel

Capucine Hummel, ancienne étudiante aux Beaux-Arts de Paris, travaille au «Ventre de la Baleine» à Pantin. Elle réalise des dessins au fusain par frottage en posant le papier sur le sol. Les formes qui en ressortent sont les traces du sol sur lequel elle a dessiné. Jouant sur les textures et les intensités de gris, les œuvres de Capucine Hummel contiennent des formes, des paysages, des montagnes. Un travail lié à la peinture traditionnelle chinoise ainsi qu’au surréalisme.


Nicolas Goulette et Aglaya Muravlov : Au départ, est-ce qu'il y a un artiste qui t'a inspiré ?

Capucine Hummel : Quand j'ai commencé à faire des frottages, j'ai pensé à Max Ernst qui utilisait le frottage comme procédé automatique pour créer son univers surréaliste. Il y a une part de surréalisme dans mon travail, c'est indéniable.

Est-ce que tu pourrais vivre sans faire de l’art ?

Je ne pourrais pas parce que je ne trouverais pas de sens à ma vie. Cela ne veut pas dire que cela me donne de façon simple un sens parfait. Malgré la création, il y a tellement de doutes qui rentrent en compte. Il y a tellement de questionnements.

Qu’est-ce qu’un artiste ?

Je pense qu'il y a différentes façons d'être un artiste. Il n'y a pas une seule définition. Pour moi, être un artiste, ce n'était pas vraiment une question qui s'est posée. C'est une nécessité intérieure de créer des choses, un rapport à la matière.



« 6 minutes avec une artiste (Capucine Hummel) »
vidéo 6'37''
2013
réalisée par Aglaya Muravlov en collaboration avec Nicolas Goulette

samedi 15 février 2014

Latifa Echakhch

La galerie parisienne Kamel Mennour expose jusqu’au 8 mars 2014 le travail de Latifa Echakhch. Cette artiste a exposé en 2013 au MAC de Lyon et au Hammer Museum de Los Angeles. Elle vient de recevoir le prix Marcel Duchamp. L'exposition à la galerie Kamel Mennour est une confirmation du caractère haut-de-gamme de son travail.

La patronne

« The feeling of a discreet mist rises gently between fingers and suddenly freezes all the body »
2014
Ink on canvas
200 x 150 cm
© Latifa Echakhch
Photo. Fabrice Seixas
Courtesy the artist and kamel mennour, Paris

« La dépossession » est un rideau de scène de 10 mètres de long qui pend, froissé, du plafond jusqu'au sol. L'installation fait penser à un bateau échoué. C'est l'histoire d'un naufrage. On imagine que les montants de la toile vont finir par tomber au sol.

Avec « The feeling of a discreet mist … », Latifa Echakhch a laissé tremper des toiles dans de l’encre. L’encre a monté le long de la toile. Il s’est dessiné des formes fractales dont les plus petites ramifications correspondent aux fils tissés de la toile. La surface de la toile est ici évoquée, telle une sculpture plate.

Les tableaux sont parfaitement alignés. Les œuvres sont proches du sol et des spectateurs. L'artiste propose un travail luxueux, fort et contrasté. Avec cette exposition, Latifa Echakhch, patronne de l’art contemporain, se place dans l’élite des artistes plasticiens.


Latifa Echakhch
« ALL AROUND FADES TO A HEAVY SOUND »
jusqu'au 8 mars 2014

Galerie Kamel Mennour
6, rue du pont de Lodi
75006 Paris

samedi 8 février 2014

Michel Houplain

Michel Houplain, peintre résidant à la Cité Cézanne à Pontoise, nous a accordé une interview en janvier 2014. Il évoque la place de l’artiste dans la société et la politique culturelle.

Nicolas Goulette : L’artiste est-il un chercheur ? Que chercher quand on est artiste ?

Michel Houplain : Je pense que nous touchons ce que nous croyons être la réalité avec notre sensibilité, notre histoire, tout ce qui nous compose individuellement. La peinture est comme un miroir. On se recherche soi-même. On recherche qui on est, comment on ressent les choses. Mais c’est une quête presque impossible. On n’est pas totalement conscient de ce que l’on peint. On en est conscient qu’après, au bout d’un moment, en regardant les tableaux. Cela nous fait évoluer, avancer. Donc on est des chercheurs, mais des chercheurs de l’âme humaine.

Faut-il démocratiser l’art ? Et comment ?

Je crois que l’art est à la portée de tous. L’image est à la portée de tous. On la voit partout. On est envahi d’images. Le problème c’est que, pour démocratiser l’image, il faudrait qu’il y ait le temps. Aujourd’hui, tout va trop vite. Les gens ne pensent plus à regarder. C’est cela le côté antinomique de la peinture. La peinture demande du temps. C’est quelque chose qui demande de s’arrêter sur les choses. Aujourd’hui, on passe très vite d’une image à l’autre. La peinture n’est peut-être plus actuelle. Des fois, je me dis que j’aurais dû être cinéaste. Quand je vois les films de Peter Greenaway ou ceux de Tarkovsky, je me dis que c’est une façon de faire de la peinture avec l’image qui bouge.

Est ce qu’il faut initier le grand public ?

Cela veut dire quoi initier ? On aurait une pédagogie à apporter au grand public pour qu’il puisse voir la peinture ? Je crois que c’est tout l’ensemble de la société qui devrait aller vers une meilleure compréhension de son univers. C’est ce qu’on fait quand on présente des tableaux. Si on arrive à arrêter les gens sur ses tableaux, on fait de l’initiation. Le problème c’est que faire de l’initiation ciblée à partir des penseurs de l’art contemporain qui sont dans les universités, je crois que c’est un peu sorti de la vie, parce qu’on est plus dans l’analyse universitaire ou dans la compréhension intellectuelle que dans la compréhension du sensible.

Parlons de la politique culturelle de l’Etat.

On pourrait commencer par le marché de l’art. Pour parler politique culturelle, il faudrait commencer par se poser la question : comment sont déterminés des systèmes où certains peintres sont en avant par rapport à d’autres ? Que représentent-ils pour la société, comment fonctionnent-ils ?

Peut-être que la question fondamentale, c’est de se dire que les peintres les plus représentés sont ceux qui sont dans les pays émergents. Aujourd’hui le monde de l’art, qui a longtemps été l’Europe puis est passé aux Etats Unis, est en train de passer en Chine et en Asie qui sont victorieux de la guerre économique. Peut-être faut-il se poser la question de savoir si l’intérêt du public mondial n’est pas entrainé par l’idée que certaines cultures vont prédominer par rapport à d’autres.

Pourquoi la politique culturelle en France périclite ? Il y a une question économique. Quand un pays va mal, il réduit ses budgets culturels en premier avant de réduire ses budgets armements. Donc on n’a plus de place prédominante au niveau mondial. Les artistes de ce pays ont moins de place prédominante au niveau mondial.

Si on regarde, à la fin de la guerre, les américains ont beaucoup financé les peintres américains. Je ne citerais que Jackson Pollock qui a été énormément financés par l’état américain. Il y avait une envie d’hégémonie culturelle sur le monde à travers l’art. Aujourd’hui je crois que l’ambition de notre pays n’est pas du tout celle-là.

Si on ramène cela aux conditions des villes, l’état s’étant désengagé, les villes font exactement pareil que les états quand elles ont des problèmes financiers. C’est le cas dans beaucoup de villes qui ont fait des emprunts pas terribles. Aujourd’hui ils préfèrent avoir l’air de faire de la culture en balayant délicatement en surface ce qu’il se passe chez eux mais en ne valorisant pas le monde artistique qui vit chez eux.

dimanche 19 janvier 2014

Laure Tixier

La galerie parisienne Polaris expose le travail de Laure Tixier jusqu’au 8 février 2014. Poursuivant sa recherche sur l’urbanisme, Laure Tixier radicalise sa pratique en évoquant les murs des prisons avec des techniques telles que la peinture à l’eau et le patchwork.

Entre quatre murs

« Ras Al Khaimah Central Prison, Emirats Arabes Unis »
Peinture murale acrylique
dimensions variables
2014

« Map with a view » est une série d’aquarelles dessinant les plans de plusieurs prisons. Les dessins sont traités en dégradés avec l’intérieur laissé en blanc. On imagine l’enfermement carcéral qui est loin de la poésie véhiculée habituellement par l’aquarelle.

« Ras Al Khaimah Central Prison, Emirats Arabes Unis » est peint sur le mur de la galerie. Laure Tixier explique qu’ « on n’est plus dans une technique assez douce qui contraste avec le propos. Avec le mur, la violence de la prison revient directement. Le mur est quelque chose d’assez caractéristique de la prison. »

« Tapis quartier » est une maquette de la prison de la Santé à Paris faite en patchwork et tissus cousus. Cela ressemble à un tapis de jeu pour enfant. On est au-dessus du tissu rembourré comme si on jouait à la prison. Cette œuvre présente un contraste entre le sujet traité, la prison, et la technique servant aux jeux enfantins.

Laure Tixier raconte la genèse de cette œuvre : « J’étais dans le quartier et je cherchais une adresse donc je regardais Google Earth. Et je vois que j’étais à côté d’une zone floutée. Très vite j’ai pensé à la prison de la Santé. J’ai voulu redonner vie et corps à ce morceau de ville, à ce trou noir, à cette zone floutée. Le tissu était important pour donner un aspect chatoyant, pour lui redonner une forme, une existence. Ce sont des superpositions entre le palimpseste et le patchwork. Pour moi la ville est construite comme cela, avec des couches superposées. Donc la technique s’y prêtait. Il y avait aussi l’idée de sculpture transitionnelle au sens de Winnicott. Il parle d’objet transitionnel pour le doudou des enfants. Je voulais donner un aspect mou et réconfortant. »

« J’ai utilisé des tissus de différentes origines. A la prison de la Santé, au moins jusqu’en 2000, ils mettaient les prisonniers dans les blocs par ethnies. Il y avait un bloc européen. J’ai utilisé des tissus européens. Un bloc Afrique noire, donc j’ai utilisé les wax africains, un bloc nord-africain et un quatrième bloc pour le reste du monde. L’origine du tissu a une importance dans cette sculpture. »


Laure Tixier
« Map with a view - Géométrie de l'enfermement »
jusqu'au 8 février 2014

Galerie Polaris
15, rue des Arquebusiers
75003 Paris

vendredi 10 janvier 2014

Albert Marquet

Le musée Tavet de Pontoise en Ile-de-France montre une exposition des peintures d’Albert Marquet (1875 – 1947). Albert Marquet a peint la Seine à Paris et en Normandie. Nous voyons des paysages où l’eau fait office de fondement à des structures austères et massives.

Forteresses d'eau

Notre-Dame sous la neige
1928-1929
Huile sur toile, 81 x 65 cm
Paris, musée Carnavalet
Cat.17
Copyright : RMN (Agence Bulloz)

« Notre-Dame sous la neige » est un paysage vertical. Les tours de Notre-Dame surplombent la place qui elle-même surplombe la Seine enjambée par un pont.

Les paysages d’Albert Marquet sont construits grâce aux traits noirs. Les ombres sous les ponts, les virgules formées par les personnages et les bâtiments sont autant de briques et de fondations des tableaux.

Albert Marquet est né en 1875 à Bordeaux. Il peint Paris et les bords de Seine, l’Ile de France et la Normandie. Il peint aussi l’Algérie à l’occasion de plusieurs voyages. Il a fait de nombreuses expositions en France et à l’étranger.

Albert Marquet voit l’eau comme un miroir, la création d’un deuxième univers. La surface de l’eau est peinte comme un tableau abstrait. Le fleuve est toujours là. Il traverse la ville et irrigue la campagne. Les tableaux de rivières de Marquet sont intemporels et toujours d’actualité. Comme le fleuve, ils traversent les lieux et les époques.

« Le bassin du Roy, Le Havre » (1906, huile sur toile) est une étendue d’eau encadrée par deux alignements d’immeubles. Au fond se trouve une ouverture vers le ciel. Chez Marquet, les immeubles finissent toujours par s’arrêter au bord de l’eau, immuable force motrice.


Albert Marquet - « Les bords de Seine, de Paris à la côte normande »
jusqu'au 16 février 2014
Musée Tavet-Delacour
4, rue Lemercier
95300 Pontoise