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samedi 15 février 2014

Latifa Echakhch

La galerie parisienne Kamel Mennour expose jusqu’au 8 mars 2014 le travail de Latifa Echakhch. Cette artiste a exposé en 2013 au MAC de Lyon et au Hammer Museum de Los Angeles. Elle vient de recevoir le prix Marcel Duchamp. L'exposition à la galerie Kamel Mennour est une confirmation du caractère haut-de-gamme de son travail.

La patronne

« The feeling of a discreet mist rises gently between fingers and suddenly freezes all the body »
2014
Ink on canvas
200 x 150 cm
© Latifa Echakhch
Photo. Fabrice Seixas
Courtesy the artist and kamel mennour, Paris

« La dépossession » est un rideau de scène de 10 mètres de long qui pend, froissé, du plafond jusqu'au sol. L'installation fait penser à un bateau échoué. C'est l'histoire d'un naufrage. On imagine que les montants de la toile vont finir par tomber au sol.

Avec « The feeling of a discreet mist … », Latifa Echakhch a laissé tremper des toiles dans de l’encre. L’encre a monté le long de la toile. Il s’est dessiné des formes fractales dont les plus petites ramifications correspondent aux fils tissés de la toile. La surface de la toile est ici évoquée, telle une sculpture plate.

Les tableaux sont parfaitement alignés. Les œuvres sont proches du sol et des spectateurs. L'artiste propose un travail luxueux, fort et contrasté. Avec cette exposition, Latifa Echakhch, patronne de l’art contemporain, se place dans l’élite des artistes plasticiens.


Latifa Echakhch
« ALL AROUND FADES TO A HEAVY SOUND »
jusqu'au 8 mars 2014

Galerie Kamel Mennour
6, rue du pont de Lodi
75006 Paris

samedi 8 février 2014

Michel Houplain

Michel Houplain, peintre résidant à la Cité Cézanne à Pontoise, nous a accordé une interview en janvier 2014. Il évoque la place de l’artiste dans la société et la politique culturelle.

Nicolas Goulette : L’artiste est-il un chercheur ? Que chercher quand on est artiste ?

Michel Houplain : Je pense que nous touchons ce que nous croyons être la réalité avec notre sensibilité, notre histoire, tout ce qui nous compose individuellement. La peinture est comme un miroir. On se recherche soi-même. On recherche qui on est, comment on ressent les choses. Mais c’est une quête presque impossible. On n’est pas totalement conscient de ce que l’on peint. On en est conscient qu’après, au bout d’un moment, en regardant les tableaux. Cela nous fait évoluer, avancer. Donc on est des chercheurs, mais des chercheurs de l’âme humaine.

Faut-il démocratiser l’art ? Et comment ?

Je crois que l’art est à la portée de tous. L’image est à la portée de tous. On la voit partout. On est envahi d’images. Le problème c’est que, pour démocratiser l’image, il faudrait qu’il y ait le temps. Aujourd’hui, tout va trop vite. Les gens ne pensent plus à regarder. C’est cela le côté antinomique de la peinture. La peinture demande du temps. C’est quelque chose qui demande de s’arrêter sur les choses. Aujourd’hui, on passe très vite d’une image à l’autre. La peinture n’est peut-être plus actuelle. Des fois, je me dis que j’aurais dû être cinéaste. Quand je vois les films de Peter Greenaway ou ceux de Tarkovsky, je me dis que c’est une façon de faire de la peinture avec l’image qui bouge.

Est ce qu’il faut initier le grand public ?

Cela veut dire quoi initier ? On aurait une pédagogie à apporter au grand public pour qu’il puisse voir la peinture ? Je crois que c’est tout l’ensemble de la société qui devrait aller vers une meilleure compréhension de son univers. C’est ce qu’on fait quand on présente des tableaux. Si on arrive à arrêter les gens sur ses tableaux, on fait de l’initiation. Le problème c’est que faire de l’initiation ciblée à partir des penseurs de l’art contemporain qui sont dans les universités, je crois que c’est un peu sorti de la vie, parce qu’on est plus dans l’analyse universitaire ou dans la compréhension intellectuelle que dans la compréhension du sensible.

Parlons de la politique culturelle de l’Etat.

On pourrait commencer par le marché de l’art. Pour parler politique culturelle, il faudrait commencer par se poser la question : comment sont déterminés des systèmes où certains peintres sont en avant par rapport à d’autres ? Que représentent-ils pour la société, comment fonctionnent-ils ?

Peut-être que la question fondamentale, c’est de se dire que les peintres les plus représentés sont ceux qui sont dans les pays émergents. Aujourd’hui le monde de l’art, qui a longtemps été l’Europe puis est passé aux Etats Unis, est en train de passer en Chine et en Asie qui sont victorieux de la guerre économique. Peut-être faut-il se poser la question de savoir si l’intérêt du public mondial n’est pas entrainé par l’idée que certaines cultures vont prédominer par rapport à d’autres.

Pourquoi la politique culturelle en France périclite ? Il y a une question économique. Quand un pays va mal, il réduit ses budgets culturels en premier avant de réduire ses budgets armements. Donc on n’a plus de place prédominante au niveau mondial. Les artistes de ce pays ont moins de place prédominante au niveau mondial.

Si on regarde, à la fin de la guerre, les américains ont beaucoup financé les peintres américains. Je ne citerais que Jackson Pollock qui a été énormément financés par l’état américain. Il y avait une envie d’hégémonie culturelle sur le monde à travers l’art. Aujourd’hui je crois que l’ambition de notre pays n’est pas du tout celle-là.

Si on ramène cela aux conditions des villes, l’état s’étant désengagé, les villes font exactement pareil que les états quand elles ont des problèmes financiers. C’est le cas dans beaucoup de villes qui ont fait des emprunts pas terribles. Aujourd’hui ils préfèrent avoir l’air de faire de la culture en balayant délicatement en surface ce qu’il se passe chez eux mais en ne valorisant pas le monde artistique qui vit chez eux.