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samedi 28 janvier 2012

Jerome Btesh

Le 59 Rivoli, site parisien qui héberge des ateliers d’artistes, nous réserve toujours des surprises. Jerome Btesh nous présente des lettres, des mots, des images lumineuses. Dans de longs cadres chromés, des images de caractères d'imprimerie sur fond noir semblent éclairés par l'arrière, faisant illuminer les lettres. Nous y lisons des phrases : "under perpetual construction", "I'm so sexy", etc… C’est un travail qui utilise la lumière. Des tirages plastifiés sont encadrés, ou parfois placés dans des coffres. Ailleurs, ce sont des photos à caractère sexuel qui sont éclairées par l'arrière, et placées sur des plaques métalliques de couleur rouille. Avec Jerome Btesh, nous sommes dans un ancien atelier d'imprimerie avec de vieux coffres, de vielles plaques métalliques. Le travail de Jerome Btesh est comme un musée. Chaque œuvre est un présentoir pour voir des vieux caractères d'imprimerie et des vielles photos.

"love is a constant UNachievement ; I do my best, I do my best" est un tirage photo. Des caractères d'imprimerie, dont les premiers ont un fond rouge, sont fortement illuminés. Ils semblent vus dans un miroir. La force de la lumière contraste avec le noir brillant du fond. "fuck me but love me" : Avec cette œuvre, nous croyons voir l'installation qui a servi de sujet aux tirages photographiques. Un miroir est inséré dans une plaque métallique. Devant ce miroir, des caractères d'imprimerie sont suspendus. Des caractères dont le reflet dans le miroir forme la phrase.

« meditate's good 4 hearthldt" : Sur une grande plaque sombre, des caractères d'imprimerie sont suspendus devant un miroir, et éclairés. Leur reflet dans le miroir forme la phrase. Dans un rond, un photo montre une femme nue les mains jointes, la tête baissée. "Culture under control" est un vieux coffre dans lequel un tirage photographique, lumineux, montre des caractères qui forment la phrase. C’est comme une pièce de musée : ce coffre renferme un trésor lumineux et brillant, une photo dont le sujet est finement ciselé par la lumière.

Il y a un brin d'érotisme dans toutes les œuvres de Jerome Btesh. Une brillance, un clinquant qui nous pique l'œil par sa forte lumière. Les tirages et les installations sont très beaux, très bien fait, le noir des photographies est profond. Les plaques métalliques sont presque luxueuses avec leurs photos illuminées sous des morceaux de verre. Les phrases, les photos de nus, les lumières, sont attirantes, jouissives.

En dehors du 59, les œuvres de Jerome Btesh ont été vendues à ce jour dans 16 pays, elles ont été présentes à 21 expositions en 2011.


Jerome Btesh a bien voulu répondre à nos questions. Nous l’en remercions.

Quelle est l'origine, la genèse, les sources d'inspiration de votre travail ?

« Je ne sais pas vraiment. C'est comme si on demandait à un pommier comment il fait ses pommes. En réfléchissant un peu, je me rend compte que je suis très intéressé par une nouvelle forme de représentation, qui n'a jamais été faite, comme il y a eu les impressionnistes, plus récemment les nouveaux réalistes. J’essaie déjà de trouver un nouveau support d'expression, ensuite dans ce nouveau support d'expression, il y a l'idée de réparation. Je retrouve souvent dans ce que je fais l'idée de redonner une vie nouvelle à quelque chose qui a été tué dans une vie antérieure. Par exemple là, dans ce thème précis (les œuvres exposées au 59 Rivoli), j'étais intéressé par les caractères d'imprimerie qui partaient systématiquement à la destruction et à la fonte parce qu'ils ont été tués par le numérique. Grâce à ce travail, je leur redonne vie, une vie nouvelle.

« Il y a, en amont, une prétention philosophique, l'idée d'avoir un support d'expression totalement inédit et nouveau. Une prétention philosophique qui est que l'art rende la vie plus intéressante que l'art lui-même, qu'il serve de passeur. En tout cas, mon art. J'ai une haute idée de la portée qu'il doit avoir, c'est une ambition.


Quelle est selon vous la place du 59 Rivoli dans le monde de l'art ?

« La place du 59 Rivoli est symétriquement complémentaire à ce qu'impose l'institution culturelle. Le 59 Rivoli propose la solution de la diversité artistique, de la gratuité, du hors cadre. C’est un lieu qui n'impose pas une idéologie artistique, mais qui s'offre à l'approbation générale tous les jours. Le 59 Rivoli, s'il est un lieu de contre-culture, n'est pas "anti-", il est "pour" l'honnêteté démocratique de l'art, le dialogue, spontané, impromptu, contrairement à l'art institutionnel qui est une sorte de doxa imposée que les médias relaient. Les médias ne relaient encore aujourd'hui que ce qu'il leur est fourni par l'institution culturelle : c'est axiomatique, idéologique, c'est du conditionnement, et cela n'a absolument rien de démocratique.

« C'est un mini régime brejnévien qui existe depuis trente ans, aujourd'hui accoquiné à des groupes de spéculateurs privés, le tout formant une junte nocive pour la crédibilité de notre pays et des artistes contemporains français dans le monde. Cette danse est soigneusement placée dans l'angle mort des gouvernements, et il a donc fallu faire un peu de bruit avec le 59 Rivoli. L'art contemporain n'est pas libéré du joug de l'institution et il n'existe pas encore une haute autorité des marchés de l'art. Notre pays représente un immense potentiel de talents. C'est pour cela, entre autres, que nous avons ouvert cet endroit.

samedi 21 janvier 2012

Thierry Hodebar

Nous continuons notre visite du 59 Rivoli, ex squat parisien qui héberge des ateliers d’artistes. Nous faisons la rencontre de Thierry Hodebar. Ce peintre et sculpteur présente un ensemble de tableaux principalement à l'acrylique, même si certains sont à l'huile. Nous y voyons une galerie de toiles plus colorées les unes que les autres. Ce sont des personnages en gros plans, des portraits de grandes tailles. Ils ont une vie, une présence très forte, notamment grâce aux reliefs en papier mâché que l’artiste appose sur ses toiles. Des œuvres très proches de nous. Nous voyons des amis, des personnes familières dans ces tableaux généreux et sympathiques.

"Toussaint l'Ouverture" est une grande toile. Nous voyons le personnage en costume militaire, sur son cheval. Il brandit son épée en l'air. Le sujet remplit ce tableau au fond clair. En bas, il y a des petits soldats, avec un canon, au bord de la mer. Avec la toile "Mamie nous regarde", nous voyons notre grand-mère qui ajuste ses lunettes pour mieux nous voir. Elle porte un chapeau noir et une robe aux motifs noirs et blancs. Elle a de belles mains, un beau nez, une belle bouche. On aime Mamie.

"Femme allongée" est un tableau abstrait jaune, orange et rouge. Des morceaux de toile brute sont collés sur la toile. C’est un enchevêtrement de couleurs, un incendie de chaleurs. Un tableau profond, et subtil. "Face de semelles" est une planche de bois allongée sur laquelle sont collées trois grosses semelles, aux couleurs roses, jaune, ocre rouge. Sur deux d'entre elles, deux points sont comme des yeux, et un aplat noir est comme une bouche.

Ce sont tes toiles colorées, chaleureuses, ouvertes. Elles représentent les contacts humains, la famille, les amis, ainsi que les références historiques. Un travail fort, massif, avec ces reliefs en papier mâché, ces objets collés sur la toile brute. Un univers qui a du goût, nos sens en sont excités. L'histoire s'invite dans le travail de Thierry Hodebar. Les personnages historiques côtoient la famille et les anonymes. L'œuvre nous invite à entrer, ne refusons pas l'invitation.


Thierry Hodebar a bien voulu répondre à nos questions. Nous l’en remercions.

Quelle est l'origine, quelle est la source de votre travail ?

C'est très divers. Ce qui m'intéresse, c’est la société où nous vivons, les personnages métis ou noirs qui ont fait des choses comme le Chevalier de Saint Georges, Alexandre Dumas. Je raconte des histoires, ce qui nous entoure, la vie.


Selon vous, quelle est la place du 59 Rivoli dans le monde de l'art ?

Ce sont des ateliers qui permettent à chacun d'évoluer. Mais ce n'est pas un mouvement artistique. C'est alternatif, mais pas un mouvement uni. Chacun a sa démarche. On montre autre chose par rapport aux lieux conventionnels.

samedi 14 janvier 2012

James Purpura

Le 59 Rivoli, ex squat parisien, héberge des ateliers d’artistes. A force de visites, nous y découvrons sans cesse de nouvelles pépites artistiques, comme James Purpura. Ce peintre réalise des tableaux à l'acrylique colorés, des tableaux abstraits ou figuratifs, des paysages, des vues du soleil levant ou couchant. C’est un coloriste. Nous voyons des aplats colorés très forts, où la peinture ne semble pas mélangée avec le blanc. Une peinture expressive, abstraite, où la couleur nous emporte dans son tourbillon de folie. James Purpura expose en ce moment aux Etats-Unis dans une galerie à Seattle. Deux expositions sont prévues à Paris en 2012

"Tournesol ivre de soleil" est une toile avec deux grands tourbillons bleus. Dans l'un d'eux se trouve un poisson rouge. Autour, il y a des fleurs, des tournesols, une multitude de tiges colorées. Sur la fleur en bas à gauche, l'artiste a voulu exprimer un visage tel que les peignait Picasso. "Deux dames en robe noire élégante" est un grand tableau très coloré. Nous savons que c'est un paysage, car le haut du tableau est dans les tons bleus, et le bas dans les tons ocres. Nous croyons apercevoir deux femmes, ainsi qu’une tête de crocodile.

"Sardaigne" est un tableau extrêmement bien composé, structuré, dans ses aplats verts profonds, peints en masse. Le bleu de la mer est très puissant. Les maisons multicolores chantent et dansent. Les gros traits jaunes tiennent tout le tableau. "Le détroit de Juan de Fuca" comporte un ciel jaune profond, un soleil violet puissant qui décline ou se lève, selon notre interprétation. Nous y voyons des montagnes bleues avec des sommets faits de paillettes brillantes, une mer colorée dans les tons verts. Enfin, "Le croissant de lune noire" est une toile qui possède de grandes lignes verticales colorées, des petits rectangles blancs, des points colorés, des plus gros points noirs, un assortiment de couleurs gaies, vives, dynamiques. C'est la grosse fête avec les tableaux de James Purpura.

James Purpura est un magicien de la couleur. Ses tableaux enchantent, ils forcent le respect. Ils parlent, ils chantent, ils crient, ils sont sonores. L'artiste le dit lui-même : il peint en écoutant de la musique. C'est la musique qui lui donne l'inspiration, qui lui donne l'idée des couleurs. Ses tableaux irradient, et pas seulement intellectuellement. Dans certains d’eux, l'artiste introduit une substance phosphorescente qui s'illumine lorsque la lumière s'éteint. Les tableaux continuent de vivre après que les spectateurs soient passés, non seulement mentalement dans leurs têtes, mais aussi physiquement dans le noir.


James Purpura a bien voulu répondre à nos questions. Nous l’en remercions.

Quelle est l'origine, quelle est la source de votre travail ?

« En 1998, j'ai fais un rêve : il y avait le désert, il faisait très chaud. Il y avait un bleu, une sorte de bleu clair. J’ai repensé à cette couleur pendant plusieurs années. Un jour, 4 ou 5 ans après le rêve, je suis entré dans un magasin de beaux arts. J'ai acheté une toile et des peintures. Le but était de recréer le bleu que j'avais vu dans le rêve. J'ai peint le rêve, j'ai créé le bleu. Quand j'ai peint ce tableau, j'écoutais la musique du Bolero de Ravel, et j'imaginais des images, je peignais ces images. J’ai découvert que, quand j'écoute de la musique, je vois des images.


Selon vous, quelle est la place du 59 Rivoli dans le monde de l'art ?

« A mon avis, c'est vraiment un des endroits les plus importants. Il est rare d'avoir un lieu comme ça, où les gens peuvent venir voir les artistes, voir la création de l'art. Ils peuvent mieux comprendre le processus de création des peintures. C'est aussi l'opportunité pour les artistes et les gens de découvrir les idées des autres. Quand les gens passent ici, ils m'inspirent beaucoup. Il y a des gens qui voient des choses dans mes œuvres que je ne vois pas. Quand les gens viennent, cela me donne de l'énergie, ils m'aident à changer les titres, trouver des choses que je n'ai pas vues. Des fois, il y a des artistes qui viennent, ils veulent être artistes, mais ils sont un peu timides, et quand ils voient quelqu'un qui expose comme ça, ils me montrent sur leur portable des photos de ce qu’ils ont fait. On peut partager la création.


Site web : http://jamespurple.com/

Le 59 Rivoli : 59rivoli.org

vendredi 6 janvier 2012

Monsieur Poisson

Monsieur Poisson présente ses œuvres au 59 Rivoli. Une série de dessins au crayon, lavis, aquarelle, et quelques peintures sur toile. Un travail qui nous montre les gens, les personnages dans leur nudité, crûment, dans leurs qualités et leurs défauts. Chacun a son occupation, chacun est en scène de façon personnelle et unique. Une galerie de personnages drôles et généreux, libres, en proie à leurs doutes, leurs questionnements qu'ils nous font partager. Ces personnages nus portent des accessoires, même si ils sont très simples, un masque, un chapeau, des chaussures.

Une peinture sur toile représente un personnage au vêtement marron et ocre, sur fond bleu et jaune pale. L'homme porte deux sacs (il a fait ses courses ?). A l'arrière plan, une sorte de tour. Un second dessin montre une femme accroupie tenant un oiseau dans ses mains. Le dessin est fait aux traits noirs sur fond ocre rouge. La femme, nue, porte un masque blanc. Ce blanc se retrouve ailleurs : sur l'oiseau, sur les parties éclairées du corps de la femme et sur un rond dans le ciel.

Sur un autre dessin au papier beige, un personnage assis se regarde dans un miroir. Il porte un chapeau à trois points. Il semble bien seul, vêtu de son short et ses chaussures, dans cet environnement rouge et orange, comme en feu. Sur un dernier dessin, nous voyons une femme nue assise dont la tête est surmontée d'une multitude de points colorés. Ils apportent de la couleur. La femme porte un collier. Au bas du tableau, il y a des points faits au lavis, surmontés de nombres colorés.

Ces dessins et tableaux sont touchants, profonds et drôles. Ils racontent tous une histoire, ils expriment tous une pensée, une réflexion sur la place des artistes dans le monde. Ce sont des comédiens, des clowns gais ou tristes. L'œuvre de Monsieur Poisson est une comédie humaine qui passe du rire aux larmes. Il nous dit qu'un clown, un artiste, si il fait le spectacle extérieurement, est en réalité bien nu.


Monsieur Poisson a bien voulu répondre à nos questions. Nous l’en remercions.

Quelle est l'origine, la genèse de votre travail ?

« Moi, à la base, je fais de la bande dessinée. Je suis un fan de BD. Je flânais dans les bibliothèques étant jeune. Mes sources d’inspiration sont Simon Bisley, Edika , Gotlib, Nicolas de Crécy, Christophe Blain, Mœbius. J'ai pas mal plongé dans les civilisations un peu perdues, les indiens d'Amérique, les arts océaniens, les sculptures des peuples qui ont presque disparus. Je me suis régalé à aller dans les musées à copier les statues. Leurs sculptures sont incroyables. Je suis allé au Mexique, et c'est là qu’on se rend compte que ce sont des dessinateurs redoutables.

« Concernant mon parcours, j'ai travaillé en tant que réalisateur de film pour des grosses compagnies. Au bout d'un moment, j'ai décidé de ne plus travailler pour les compagnies automobiles, pour les compagnies pétrolières, pour l'industrie sans foi ni loi. Je me suis retrouvé sans boulot, et je me suis mis à vendre mes dessins. Ce qu'il y a de bien dans le dessin, c'est que c'est artisanal. Il y a une vraie rencontre avec la personne qui achète votre dessin. C'est un rapport artistique et commercial à une échelle humaine. C'est une tout autre logique que d'être employé dans une grande entreprise où l'on ne contrôle rien et où on ne sait pas ce qu'on vend, ni à qui on le vend. Ma prochaine étape, c'est de fabriquer mon papier. Après je serais relativement autonome.


Selon vous, quelle est la place du 59 Rivoli dans le monde de l'art ?

« Les gens qui passent révèlent ce que je fais, par leurs interprétations, par ce qu'ils sentent. Il y a beaucoup de dessins que j'ai découvert par le regard des visiteurs. Cela m'a beaucoup aidé au début. Ce qui est super dans le 59, c'est que c'est hybride, c'est quelque chose en marge, les gens arrivent avec une idée préconçue, des préjugés. Mais le 59 reste un endroit insaisissable, parce c'est hybride, parce que c'est autogéré, parce que cela change tout le temps, parce que les gens changent aussi à l'intérieur.

« Il y a beaucoup de choses, c'est dense, difficile de tout voir, et il y a des perles. On n'est pas dans quelque chose de normé, ou qui pourrait découler d'une sorte d'exigence d'une institution. Au 59, il y a des trésors artistiques atypiques, beaucoup de pierres précieuses, c'est un formidable galion riche de surprises et de cadeaux à offrir à ses amis. Allez-y, à l'aventure toute !



Site web : mrpoisson.com

Le 59 Rivoli : 59rivoli.org