La galerie parisienne Jocelyn Wolff expose les peintures nocturnes de Valérie Favre, née en 1959 en Suisse.
« Fragment » (encre, acrylique et huile sur toile, 160*150 cm) est un paysage lunaire. Nous sommes dans la nuit. Il y a de multiples petits traits blancs comme des étoiles brillant dans le ciel noir. En bas, vers la ligne d’horizon, une illumination blanche. Le sol est défini par une bande grise au bas de la toile. Il n’est pas plat, il y a des reliefs sombres. Silence dans la nuit. Tel pourrait être le titre de ce tableau. Mais aussi Violence dans le ciel. Les astres bougent, dansent en traînées blanches. L’artiste, spectateur de l’univers, de l’art, immense.
« Fragment » (encre, acrylique et huile sur toile, 155*170 cm). Ce tableau est moins lisible que le premier. Il y a toujours le fond noir, les astres qui bougent en longues traînées. Certains sont gros, peints en épaisse peinture blanche. Il y a toujours une illumination au centre de la toile. Mais il n’y a plus de sol. Nous flottons dans l’abstrait. Il y a des touches blanches qui tombent vers le bas du tableau.
« Fragment » (encre, acrylique et huile sur toile, 255*155 cm). Ici, c’est plus grand, plus calme, plus apaisé. La hauteur de la toile dépasse la taille humaine. Elle est noire avec quelques points blancs sages. L’illumination est toujours là au centre comme une profondeur infinie. C’est une nuit non seulement silencieuse mais aussi vide. Cette toile est presque un monochrome. Elle en a le calme, la sérénité, l’intériorité, le mystère.
« The dinner from Goya » (collage, encre de Chine, aquarelle, acrylique sur papier, 24,5*34 cm). Sur de multiples fragments de papiers découpés, l’artiste a dessiné un mouvement circulaire à l’encre noire. Il y a des animaux qui courent autour d’un espace à fond noir où deux ou trois personnages batifolent. Il y a une carte météorologique qui nous ramène à la réalité avec un peu de logique quotidienne dans ce monde d’illusions artistiques.
Valérie Favre a bien voulu répondre à nos questions. Nous l'en remercions.
Nicolas Goulette : Avec ces toiles, je trouve que vous vous rapprochez de toiles monochromes, par rapport à votre travail précédent. Est-ce le monochrome est quelque chose vers quoi vous avez envie d’aller ?
Valérie Favre : Vous n’avez pas tout à fait tort, mais ce n’est pas forcément le monochrome. C’est quelque chose de low. Low, c’est moins de matériel, quand on connait mon travail. C’est arriver à des choses plus calmes, noir et blanc. A un moment donné, j’avais envie de me poser la question, après 30 ans de peinture derrière moi, j’avais envie de m’interroger sur ce qu’est le noir et blanc. Comment c’est possible de traduire des images, parce que ce sont quand même des images, mais ce sont des images en peintures qui prennent un temps fou, ce ne sont pas des images internet. C’est pour cela peut-être, parce que c’est plus calme, noir et blanc, qu’on a cette impression de monochrome. Mais ce n’est pas vraiment du monochrome parce que chaque étape est faite avec des tas de couleurs, des tas de profondeurs, qui sont beaucoup liées au hasard. La forme n’est pas décidée.
Je trouve que ces tableaux sont nocturnes, qu’ils expriment l’immensité de la nuit, avec à chaque fois une blancheur au milieu qui parait infinie. Est-ce que cette blancheur est pour vous infiniment lointaine ? Est-ce qu’elle évoque une présence artistique ?
Oui il y a quelque chose de mystérieux. Quand je suis avec mes étudiants à Berlin, je leur dis « je cherche du mystère dans vos tableaux ». C’est ce que je cherche quand je travaille. C’est essayer que chaque tableau que je fais soit quelque chose qui vienne un peu de très loin, des profondeurs. Et c’est quelque chose qui n’est pas décidé au sens « je veux peindre une fleur, ou peindre un visage ». C’est le visage qui vient, ou c’est la fleur qui vient. Ou c’est la forme, parce que dans ces tableaux, cette nouvelle série noire, parce que c’est assez sombre - ce n’est pas sombre négatif -, je positionne des formes qui interviennent avec des encres.
C’est un très long travail. Cela prend plusieurs mois pour le faire, couche par couche. Il y a beaucoup de couches, on ne dirait pas. C’est comme le travail du monochrome, parce qu’un vrai monochrome est fait aussi avec énormément de couches de peinture. Et là il y a un moment magique qui se passe. Et ce moment magique, c’est à moi de le capter, de dire : « ouais, c’est ça ». Après, il y a d’autres procédures avec la peinture à l’huile qui viennent des perturbations comme des espèces d’univers.
Dans le dessin « The dinner from Goya », on retrouve une évocation scientifique avec une carte météorologique. Est-ce que il y a aussi une évocation scientifique dans ce que j’appelle ces ciels étoilés avec une évocation de l’astronomie ?
Oui, quelque part, mais c’est vous qui le voyez. Moi je n’ai pas décidé cela. Ces toiles sont des fragments. Tous ces tableaux que vous voyez sont des fragments d’une pièce imaginaire, d’un immense tableau qui serait un univers fictif comme la cosmogonie. Vous avez ici cinq tableaux qui pourraient être le premier début de grain de sable d’un immense univers qui n’a pas de limite.
Valérie Favre
Fragments
Jusqu’au 3 novembre 2012
Fragments
Jusqu’au 3 novembre 2012
Galerie Jocelyn Wolff
78, rue Julien-Lacroix
75020 Paris
78, rue Julien-Lacroix
75020 Paris