Bertille Bak, née en 1983 à Arras, montre actuellement ses travaux au Musée d'art moderne de la ville de Paris. Elle réalise des vidéos dans lesquelles les personnages, confrontés à de dures réalités, s’en sortent par des moyens touchants et drôles auxquels on ne s’attend pas.
Regardons, ou touchons, trois œuvres de Bertille Bak :
« Notes englouties », 2012, acier, plexiglas, dispositif électronique, impression sur papier.
Sur cinq panneaux sont reproduit les plans du métro de cinq capitales européennes. On peut choisir sa station de départ et sa station d’arrivée. L’itinéraire s’illumine alors et on entend le bruit de la ligne de métro correspondante. C'est une installation visuelle, tactile (on appuie sur les boutons aux noms des stations) et sonore. On est dans le métro, dans un métro en Europe. On voyage virtuellement par le son.
« O quatrième », 2012, vidéo 17 minutes.
On rencontre Marie-Agnès dans cette vidéo. C'est une sœur du couvent des Filles de la Charité à Paris. Elle nous fait visiter le bâtiment. Grâce à l’ascenseur, on monte au quatrième et dernier étage, où se trouve son appartement. Les sœurs les plus vielles sont en effet logées au dernier étage, le plus proche du ciel. On suit sœur Marie-Agnès qui raconte ses loisirs, la confection de bouchons habillés de tissus. A la fin de la vidéo, elle emprunte un dispositif de monte-chaise le long d’un mur, une façon de se rapprocher du ciel. L’ascension joue un grand rôle dans cette vidéo. On monte les étages vers le ciel, crainte et aspiration des sœurs.
« Transports à dos d’hommes », 2012, vidéo 15 minutes.
Bertille Bak nous emmène dans un camp tzigane à Ivry sur Seine en région parisienne. Avec en arrière-fond des trains de banlieue qui passent, un garçon déploie sa caravane. Il pose les bouchons en liège qui protègeront de la chaleur et des insectes. Puis il installe dans la caravane un plan du métro parisien dont il illumine un trajet. Le son de la ligne de métro se fait alors entendre et deux musiciens, dans la caravane, se mettent à jouer de la musique, à l’instar des musiciens qui jouent dans les rames du métro. Même si nous voulions leur donner une pièce, nous ne pourrions pas, premièrement parce qu’ils ne sont pas vraiment dans le métro mais dans leur caravane, deuxièmement parce que nous même ne sommes pas dans le métro mais au musée d’Art moderne.
Le travail de Bertille Bak est toujours cocasse, gentiment dramatique. Elle nous raconte des histoires faites de drames quotidiens de façon drôle, touchante et amusante, en éludant des réalités plus inquiétantes. Ces réalités, on ne les voit pas, on préfère rester dans les expressions enfantines. Le travail de Bertille Bak est donc une réflexion sur sa pratique même. Dans ses vidéo, elle montre des personnages qui sont dans un monde rêvé pour ne pas voir leur dure condition. En fait, l’artiste, et par extension les spectateurs que nous sommes, avons aussi ces comportements enfantins quand nous regardons les vidéos. Face aux œuvres de Bertille Bak, nous échappons, pour un temps, à notre inquiétante condition.
Bertille Bak nous montre une voie originale de regarder des œuvres d’art : nous jouons en regardant les personnages de ses vidéos en train de jouer. Nous nous prêtons au jeu. Nous manipulons les plans lumineux des métros européens. On joue à visiter les capitales européennes. Comme quand on regarde un dessin animé, avec Bertille Bak, nous assistons aux aventures de personnages sympathiques et attachants. N’avons-nous pas envie, nous aussi, de réagir de cette façon drôle et décalée, avec l’ironie du désespoir ?
Bertille Bak
Circuits
Jusqu'au 16 décembre 2012
Musée d'art moderne de la Ville de Paris
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