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vendredi 15 juin 2012

Les Rochers de lettrés chinois

Le musée Guimet présente une exposition de rochers, que les lettrés de la Chine ancienne possédaient, et en lesquels ils voyaient des éléments naturels, montagnes, grottes ou paysages. Ces rochers, avec leurs formes tourmentées, sont l’occasion de rêver et d’imaginer des univers. Ils permettent une réflexion nouvelle sur la façon d’appréhender les œuvres d’art en général.

« Pierre Montagne », pierre de ying, support en bois. Dynastie Ming – Qing (14ème au 20ème siècle).
Nous sommes devant une pierre verticale. Ses craquelures, ses boursouflures montent, se déploient en hauteur. Ce rocher nous fait penser à un personnage, avec une épaisseur plus marquée en haut comme une tête. Nous rêvons soudain à un gardien, une figure accueillante et accessible. C’est nous qui devons aller vers elle.

« Montagne essence de jade », pierre de lingbi sombre, support en bois. Dynastie Song – Yuan (10ème au 13ème siècle).
C’est un rocher torturé avec de nombreux renflements et des parties en creux. Pour voir la vie qui grouille dans cette pierre, il faut que le spectateur s’immobilise. C’est l’un ou l’autre. Soit le spectateur bouge, passe d’une pièce à l’autre sans prendre le temps de s’arrêter, et alors il ne voit que des cailloux inertes. Soit il s’arrête et regarde, et alors les objets s’animent, les œuvres de l’esprit que sont ces rochers prennent vie.

« Rochers en forme de pierre musicale », pierre de lingbi, bâti de suspension en bois. Dynastie Ming (14ème au 17ème siècle).
C’est une pierre plate, sinueuse, rayée, suspendue à un cadre, de sorte qu’elle est maintenue dans le vide entre quatre barreaux de bois. Le cadre en bois évoque un tableau, on retrouve ici le châssis des peintures sur toile. Mais il y a deux grandes différences avec ces dernières. Premièrement, entre les montants du châssis, il y a du vide. Un vide attirant, profond, que même la toile la plus blanche et la plus immaculée ne pourra égaler. Deuxièmement, le sujet de l’œuvre est en pierre véritable. La pierre est le sujet de l’œuvre. Sujet exprimé « en vrai », mieux que la plus aboutie des peintures.

« Grande Montagne Miniature », pierre de lingbi, support de bois. Dynastie Ming (14ème au 17ème siècle).
Cette grande pierre blanche est comme un fantôme qui déploie ses bras. Une présence étrange par sa couleur, un blanc qui irradie jusqu’à nous. Cette pierre est déchiquetée, trouée, elle a des arrêtes saillantes et tranchantes. Ses trous lui font l’effet d’une dentelle et accentuent l’aspect fantomatique car nous voyons à travers. Quel est ce spectre inquiétant, venu de Chine pour nous hanter ?


"Rochers de lettrés, itinéraires de l'art en Chine"
Jusqu'au 25 juin 2012

Musée Guimet
6, place d’Iéna
75116 Paris

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