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samedi 8 septembre 2012

Isabelle Pitre


Isabelle Pitre est restauratrice de tableaux. Son atelier situé dans le 12eme arrondissement de Paris est rempli de toiles, de pinceaux, de matériels de restauration. Cela fait onze ans qu'elle pratique cette activité. Elle restaure actuellement les icônes de l’église Saint Julien le Pauvre à Paris.


Isabelle Pitre a bien voulu répondre à nos questions. Nous l’en remercions.


Quand vous restaurez un tableau, est-ce que vous avez besoin de discuter avec l’artiste pour connaître ses intentions artistiques et son univers ? 

Discuter avec un artiste, si il n’est plus là, c’est difficile. C’est à moi de me renseigner et de comprendre son histoire, d’avoir un engagement personnel pour découvrir son chemin et son travail dans les archives. Il y a forcement une quête picturale avec une technique particulière, mais mon métier m’emmène dans un chemin strict avec des propriétés clairement définies comme la stabilité et la réversibilité des produits. Ce sont des bases qui ont été établies par le milieu de la restauration de tableaux pour pouvoir conserver l’œuvre au mieux dans son temps, la transmettre sans la transformer, justifier chaque geste avec une minutie planifiée, définie par rapport à des tests, un constat d’état poussé pour établir une méthodologie appropriée aux matériaux de l’œuvre. C’est vraiment un regard de bienveillance dans l’idée de n’investir que le juste geste et le juste produit pour ne pas nuire à l’œuvre mais au contraire pour la soigner et l’accompagner.


A force de voir passer des tableaux, est–ce que vous n’avez pas envie de peindre vous-même et de créer vos propres œuvres ? 

Cela peut être une envie qui se développe au fur et a mesure. Beaucoup de restaurateurs peuvent avoir cette envie là. Je suis issue d’une famille de peintres, donc la peinture fait partie de ma vie. Je peins également ponctuellement. A travers tous ces peintres que j’ai découvert par mon métier, j’ai eu envie d’utiliser d’autres palettes, d’autres techniques, d’autres regards. Tout cela me permet de voyager autrement ou d’utiliser des matériaux que je n’aurais jamais osé utiliser. Mais cela, c’est toute une vie, c’est un engagement différent. Je suis à 100% dans la restauration même si je peins depuis 25 ans. Après, c’est la chance, les rencontres, les contacts. J’ai eu la chance d’exposer dans des endroits sympathiques, à Chelsea, Hong Kong, Paris, New York. Mais c’est ponctuel, je ne suis pas engagé comme il le faudrait.


Avec le développement de l’art contemporain, est-ce vous voyez passer des nouvelles formes d’art, des nouvelles techniques, des choses que vous n’aviez jamais vu avant ? 

Tout est possible à partir du moment où l’artiste laisse la liberté totale à son esprit de s’exprimer. On peut même utiliser des matériaux comme l’informatique. Aujourd’hui, on peut être troublé par l’arrivée des écrans avec des images qui défilent et qui sont considérées comme de l’art. Tout peut devenir de l’art, il faut peut-être découvrir autrement le sens de l’art, il faut le détourner, le recomposer, le recomprendre, et je pense qu’il faut continuer à découvrir, à chercher, à mélanger. La seule chose que je pourrais dire, en tant que restauratrice, c’est qu’il devient de plus en plus difficile de restaurer les œuvres contemporaines, parce qu’on allie des éléments difficiles à conserver. Surtout quand ce sont des produits comme des fruits ou des légumes. Cela a des propriétés chimiques, physiques et mécaniques qui ne sont pas éternelles, et on ne peut pas les conserver. Mais il faut s’amuser, il faut garder ce jeu, cette liberté. La liberté d’esprit nourrit d’autres libertés d’esprit.




Isabelle Pitre
A l’Atelier / Conservation et restauration de tableaux
28, rue Traversière
75012 Paris

http://www.a-latelier.fr/

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